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LE DERNIER ÉCHO

La Gazette du Cinéma

Sommaire

CRITIQUE : UN AN, UNE NUIT

 

CRITIQUE : UN AN, UNE NUIT

17 mai 2023

Un an, une nuit

Un An, Une Nuit de Isaki Lacuesta :
(sur)vivre après l’horreur


Après Revoir Paris et Novembre, Un an, une nuit s’inscrit à son tour parmi les productions autour des attentats de Paris.

Une exposition frontale à l’horreur de cette soirée au Bataclan et à la vie qui doit continuer derrière. Un an, une nuit de Isaki Lacuesta, c’est l’histoire d’un couple marqué, mais surtout esseulé.

“Le soir du 13 novembre 2015, Ramón (Nahuel Perez Biscayart) et Céline (Noémie Merlant), un jeune couple, assistent au concert du Bataclan. Ils réchappent à l’attaque terroriste, mais ne parviennent pas à reprendre une vie normale. Tandis que Céline cherche désespérément à oublier cette nuit cauchemardesque, Ramón se repasse inlassablement les événements dans la tête, comme pour trouver un sens à l’horreur. Pourtant, ils doivent désormais affronter la même question : comment surmonter l’épreuve et se tourner de nouveau, ensemble, vers la vie ?”

 

Une nuit hors du temps

Chacun, à sa manière, fut marqué par cette nuit du 13 novembre 2015. Des images, des sons, des témoignages: sept ans plus tard, il est toujours impossible de les oublier. Le septième art, lui, commence doucement à s’approprier certains récits de cette soirée. Chaque détail est alors mis en scène. La poussière volante au travers de la lumière des projecteurs de la salle, le bruit des couvertures de survie craquant dans la nuit, les gyrophares transformant la nuit en bleu : Un an, une nuit ouvre sur ces fragments et le spectateur suffoque déjà.

Le réveil sonne. Une nouvelle vie démarre pour ce jeune couple dont la compatibilité cinématographique surprend (Noémie Merlant et Nahuel Perez Biscayart ensemble, ça surprend). Lui, travaille dans une banque, elle travaille dans un foyer de réinsertion. Deux horizons différents comme les deux chemins de reconstructions distincts qu’ils vont emprunter. Céline (Noémie Merlant) opte pour le silence, Ramón (Nahuel Perez Biscayart) extériorise et veut se souvenir de tout. Des tensions naissent et des disputes d’un classique parisien éclatent. Isaki Lacuesta ne réinvente rien à ce sujet en abordant des thèmes comme la famille ou la politique (une séquence autour de François Hollande frôle le malaise). Les jours passent mais les flashbacks sont nombreux. Le récit de cette soirée commence peu à peu à se dessiner.

Une année d’isolement

Seul le temps panse les plaies. Les semaines et les mois passent. Ce couple se déchire peu à peu, comme le récit. Les séquences se succèdent et il devient complexe de comprendre où Isaki Lacuesta nous embarque. Les flashbacks sont de plus en plus présents, enfermés dans cette loge où les protagonistes se sont réfugiés. La vérité y est confinée et nous tient en haleine. Le présent, lui, sonne de plus en plus faux avec de grosses légèretés dans chaque dialogue.

Mais c’est à quelques minutes de devenir un film malheureusement oubliable que Un an, une nuit nous cueille sans crier garde. Un ultime monologue en plan-séquence suspendu aux lèvres de Noémie Merlant nous plongeant dans son regard azur rempli de larmes. La vérité est là, la stupeur aussi.

 

C’est donc dans les derniers instants que Un an, une nuit attrape son spectateur malgré un scénario simpliste et des dialogues plus que légers. Un drame sur la reconstruction personnelle où Noémie Merlant époustoufle dans cette année de questionnements… sans réponse.

 

Critique rédigée par Tom Vannier de Cineverse.fr

5 BONNES RAISONS : LA DERNIÈRE REINE

 

5 BONNES RAISONS : LA DERNIÈRE REINE

16 mai 2023

La Dernière reine

La Dernière Reine de D. Ounouri et A. Bendimerad : 5 bonnes raisons d’aller voir le film

 

Montré dans la section « Journée des auteurs » à la 79ème Mostra de Venise, La Dernière Reine de Damien Ounouri et Adila Bendimerad constitue un OVNI du cinéma algérien.

Par son identité même, La Dernière Reine est un miracle. Un miracle, si l’on connaît un peu les impénétrables arcanes des politiques culturelles publiques en Algérie et le financement difficile, voire souvent impossible, du cinéma. Découvrez 5 raisons pour lesquelles il faut absolument voir ce film, ne serait-ce que pour son aspect unique.

“L’année 1516 est une année de grands tumultes à Alger. Enfin libérée du joug des Espagnols par le célèbre Barberousse, la ville saute dans l’inconnu. Il se murmure que pour gagner sa guerre, Barberousse aurait tué son allié, le roi Salim Toumi. Mais alors que la stratégique Alger lui tend les bras, Barberousse rencontre une ennemie inattendue : la reine Zaphira.” 

 

Quelles sont les 5 raisons d’aller voir le film au cinéma ?

1. Car le film est unique :

Comme mentionné en introduction, La Dernière Reine est un film unique dans sa conception. En effet, malgré les liens historiques qui unissent l’Algérie et la France, rares sont les films algériens qui sont produits, et encore plus rares sont les films algériens qui traversent la Méditerranée pour accoster dans nos salles. Compte tenu des financements extrêmement difficiles à obtenir en Algérie et la difficulté d’y produire de l’art en général, La Dernière Reine est une exception filmique à soutenir, d’autant plus que le film se veut à grand spectacle.

2. Pour son histoire rarement vue au cinéma :

Combien de films traitent du XVIème siècle au cinéma ? Et combien de films traitent du XVIème non-européen au cinéma ? Enfin, combien de films traitent du XVIème algérien au cinéma ? Pour son originalité, La Dernière Reine mérite donc d’être vu, car il a le mérite d’explorer une époque et un sujet méconnus. C’est une initiative à saluer, alors tous au cinéma !

3. Parce que les femmes sont au premier plan :

Une femme à la réalisation, et une femme comme actrice principale. Avec ces deux casquettes, Adila Bendimerad s’impose dans une industrie autrement corsetée, et prouve qu’il est possible de réussir à tourner et porter un tel film. Ceci, malgré les obstacles plus nombreux que peuvent rencontrer les femmes en Algérie. En duo avec Damien Ounouri, Adila Bendimerad sera certainement vue dans La Dernière Reine par nombre de jeunes filles algériennes comme un modèle à suivre.

4. Pour ses décors et costumes remarquables :

Pour tout film historique qui se respecte, les décors et les costumes sont un élément à ne surtout pas manquer pour ne pas nuire à la crédibilité de l’ensemble. Dans La Dernière Reine, le pari est hautement réussi. On se sent vraiment plongé dans l’Alger de 1516, que ce soit dans les décors extérieurs et surtout les intérieurs. De même, les costumes sont remarquables; En particulier, bien entendu, celui de la reine Zaphira. Si vous aimez les films de costumes, La Dernière Reine est pour vous !

5. Parce que c’est un film admirable et rafraîchissant, tout simplement :

L’époque, les costumes, l’avant-gardisme, l’histoire. Tout cela est dit. Mais il ne suffit pas d’être original pour faire un bon film ! Et cette maxime n’a pas été oubliée chez Damien Ounouri et Adila Bendimerad, qui ont su nous immerger dans l’époque sans oublier de réaliser un film personnel, aux personnages complexes et au déroulement intelligent. Quand on constate à quel point les films d’époque sont désormais rares (évidemment, il faut qu’on écrive cela au moment où sont sortis Les Trois Mousquetaires et à quelques semaines de l’ouverture à Cannes avec Jeanne du Barry), La Dernière Reine est à ne pas rater. Une belle immersion dans l’Algérie de 1516 vous attend…

 

En résumé : foncez au cinéma voir La Dernière Reine, autant pour soutenir l’initiative que pour voir tout simplement un bon film !

 

Article rédigé par Yacine Ouali de Cineverse.fr

CRITIQUE : SHOWING UP

 

CRITIQUE : SHOWING UP

9 mai 2023

Showing Up

Showing Up de Kelly Reichardt : Matière grise

 

Kelly Reichardt déploie avec Showing Up, un film qui interroge l’art, sa pratique, et la place de l’individu dans notre société.

Au fil de ses films, la réalisatrice voyage entre les siècles et les genres mais reste fidèle, malgré quelques rares exceptions, à l’Oregon. Showing Up se déroule à Portland, dans une nature automnale filmée sous tous ses aspects.

“Avant le vernissage d’une prochaine exposition, Lizzie (Michelle Williams), une artiste sculptrice, voit son quotidien, son rapport aux autres ainsi que sa vie chaotique devenir sa source d’inspiration.”


In my solitude

Chez Kelly Reichardt, la marge est la norme, qu’elle soit géographique ou sociale. Dans son cinéma, les personnages veulent partir en Alaska, se retirer en forêt, vivre dans une cabane, ou traverser un Oregon désertique. La solitude est inévitable. C’est alors que s’opère la beauté et la douceur de son cinéma. Lorsque deux êtres seuls se découvrent et se comprennent, l’amitié naît. Magnifiquement dans First Cow, tragiquement dans River of Grass, délicatement dans Old Joy (on pourrait ainsi continuer avec toute sa filmographie).

En cela, Lizzie est un pur personnage reichardtien. Elle ne parvient pas à faire corps avec les autres. Constamment repliée sur elle-même – dans sa posture voûtée et ses pensées –, elle semble figée dans le temps et son esprit, à l’image de ses sculptures. À première vue, ce n’est pas un personnage très aimable. Elle est désagréable avec à peu près toutes les personnes qu’elle croise. Humeur qui lui est renvoyée par ses compères artistes, mis à part Eric, interprété par André 3000. Génie de la réalisatrice que d’employer le rappeur d’Atlanta, ville de la démesure et du luxe, dans une composition aussi sobre et délicate. Ainsi, Eric mis de côté, chaque personnage semble évoluer dans un univers clos, hermétique à ce qui les entoure. On se demande alors comment l’amitié pourrait naître dans un environnement pareil.

Une œuvre d’une grande douceur

Naturellement, les regards se portent vers Jo (Hong Chau), voisine, collègue artiste et propriétaire de la maison que loue Lizzie. Couverte d’un certain succès et constamment de bonne humeur, elle pourrait être perçue comme son antithèse. Mais sous les sourires, le rapport de domination économique qu’elle entretient avec Lizzie interfère dans le bon déroulé de leur amitié (Jo refuse pendant tout le film de rétablir l’eau chaude chez Lizzie). La réalisatrice n’émet aucun jugement sur ses personnages, elle les prend dans leur complexité sans manichéisme.

Ainsi, malgré la brutalité des paroles et de certains actes ponctuant le film, il en ressort une œuvre d’une immense douceur, comme en témoigne sa scène finale (attention, spoiler). Lors du vernissage de l’exposition, Lizzie et Jo partent à la recherche d’un pigeon blessé qui s’est échappé dans le ciel. Leurs regards et leurs corps sont portés vers le haut. En observant finalement le monde qui les entoure, Lizzie relève la tête et avance vers l’autre. Deux solitaires se rejoignent, et se joue ainsi le grand thème de l’amitié, cher à la cinéaste.

Le vent se lève

John Ford avait Monument Valley, Kelly Reichardt a l’Oregon. Rares sont les fictions capables d’aussi bien capter la nature. Dans Showing Up, et le reste de sa filmographie, quelque chose de naturel vit toujours dans le plan. Que ce soit le simple bruit du vent ou une branche d’un arbre aperçue par la fenêtre. Si cela participe à la douceur du film, l’importance de la nature n’est pas uniquement esthétique, elle est éthique.

Car Kelly Reichardt lui porte le même intérêt qu’à ses personnages. Les animaux nous avaient récemment reconfirmé leur immense talent en tant que sujet de cinéma dans EO, mais Reichardt poursuit un geste différent de celui de Skolimowski (non moins brillant). Elle ne prétend pas se mettre à la place des animaux, elle leur accorde simplement la même importance qu’aux humains. Ainsi, le chat de Lizzie se voit octroyer différents gros plans, habituellement privilège des rôles principaux. De même qu’un pigeon blessé réussit à attiser de la compassion chez Lizzie. On pourrait également s’attarder sur les nombreux chiens qui apaisent le paysage de leurs innombrables siestes.

Nature et naturel

Chaque élément de ce film est dépendant de la nature. À commencer par le principal, les sculptures que confectionnent Lizzie. Faites d’argiles, donc de terre et d’eau, elles sont par la suite chauffées pour se solidifier. Dans ce cercle naturel, le hasard de la nature domine. Ainsi, c’est lorsque, par accident, la température du four sera trop élevée que l’une des sculptures en ressortira abîmée. Se différenciant par sa singularité, elle en devient l’œuvre principale de l’exposition, et la plus appréciée d’Eric.

Ces scènes de sculpture sont par ailleurs brillantes de naturel. Pas de triche dans ce film, c’est bien Michelle Williams qui manie l’argile pour former des œuvres d’arts. Outre le spectacle de la matière, il s’opère deux actions concomitantes. D’une part, la sculpture (matière grise) qui se forme sous nos yeux. D’autre part, les pensées de Lizzie (matière grise) qui demeurent mystérieuses, et où l’on cherche, dans son regard, la cause de ses troubles. Le naturel se trouve donc tout autant dans la matérialité du plan, que dans le jeu silencieux de Michelle Williams. Aussi impénétrable que l’est son chat, l’actrice se fond ainsi dans le décor, ne formant qu’un avec la nature qui l’entoure.

 

Showing Up est un film qui se regarde autant qu’il s’écoute. La douceur des paysages, du son et des mouvements de caméra de Kelly Reichardt embaume le film dans une œuvre délicate et subtile. En n’émettant aucun jugement sur ce qu’elle filme, la réalisatrice effectue le geste élémentaire du cinéma : regarder et capter.

 

Critique rédigée par Matias Nemirovsky de Cineverse.fr

INTERVIEW : J.B DURAND ET R. QUENARD

 

INTERVIEW : J.B DURAND ET R. QUENARD

2 mai 2023

Chien de la casse

Chien de la Casse


Attention, avec Chien de la casse, Jean-Baptiste Durand débarque sur grand écran pour offrir un cinéma mêlant brutalité et maladresse. Nous avons pu l’interviewer, ainsi que son comédien Raphaël Quenard.

“Dans Chien de la Casse, Dog (Anthony Bajon) et Mirales (Raphaël Quenard) sont amis d’enfance. Ils vivent dans un petit village du sud de la France et passent la majeure partie de leurs journées à traîner dans les rues. Pour tuer le temps, Mirales a pris l’habitude de taquiner Dog plus que de raison. Leur amitié va être mise à mal par l’arrivée au village d’une jeune fille, Elsa, avec qui Dog va vivre une histoire d’amour. Rongé par la jalousie, Mirales va devoir se défaire de son passé pour pouvoir grandir, et trouver sa place.”

Traitant d’un sujet qui lui est intime sans jamais délaisser la photographie ou la musique, le réalisateur nous emporte avec douceur dans les campagnes oubliées. Celles où les liens se tissent et se fissurent avec amertume, mais ne se défont jamais. Raphaël Quenard se voit enfin offrir un premier rôle avec Chien de la casse, qui le révèle à la fois sous sa plus grande force comme sa plus grande sensibilité.

Pourriez-vous nous recontextualiser le point de départ du film ?

J.B DURAND : Le point de départ… C’est presque une synthèse, un film qui vient cristalliser des recherches et un travail de toujours. Moi j’ai grandi dans ce type de petits villages péri-urbains et dès que je suis rentré aux Beaux Arts j’ai commencé à peindre les copains de mon village. C’était une évidence, je devais parler de ces liens là que j’avais connu.
Le scénario nous plonge dans un environnement qui vous est assez personnel. On voit au générique que vous avez collaboré avec Emma Benestan et Nicolas Fleureau.


Qu’est-ce que vous ont apporté ces deux scénaristes ?

J.B DURAND : J’ai collaboré avec eux mais il y a eu beaucoup d’autres personnes avant. J’ai commencé l’écriture en 2016, et j’ai participé à deux résidences. Il y avait donc des processus d’accompagnement et on interagissait sur les projets des uns et des autres. Après avoir monté deux versions du scénario, je me suis retrouvé un peu épuisé. J’avais besoin que quelqu’un vienne réinjecter un souffle dans la structure. Nicolas m’a apporté une solidité dans la structure, notamment dans la seconde partie du film. Et Emma est venue sur la toute fin du film, notamment sur le personnage féminin d’Elsa.


« Quand on cherche des premiers rôles, on choisit pas trop. Mais cette fois, je pouvais faire corps avec ce personnage. »

Emma Benestan a déjà travaillé avec Raphaël Quenard sur le film Fragile. C’est elle qui vous l’a recommandé ?

J.B DURAND : Non, elle m’a dit “surtout pas” ! Non en fait, j’ai rencontré Halima Ouardiri en résidence et elle a fait un atelier 1000 visages comme Emma. Elle a parlé à Raphaël du personnage de Mirales. Après ça, il y a eu un jeu du chat et de la souris pendant un an, avec le comédien qui m’envoyait sa bande démo. On me disait qu’il était fort en improvisation mais je voulais un comédien qui soit capable d’assumer une trajectoire, une finesse, un texte.


Pourquoi s’être autant accroché à ce projet, Raphaël ?

RAPHAËL QUENARD : Quand on cherche des premiers rôles, on choisit pas trop. Mais cette fois, Halima Ouardiri me disait vraiment que je pouvais faire corps avec ce personnage. Je me suis accroché, mais comme je m’accrochais à toutes les branches auxquelles je pouvais m’accrocher. Je savais même pas de quoi le film parlait. J’avais fait des séries, des petits rôles,… jusqu’à Family Business qui m’a permis d’obtenir plus de propositions par la suite.


Pour revenir au scénario, est-ce que la musique avait une place importante dès l’écriture de
Chien de la Casse ?

J.B DURAND : La musique a eu cette place très tôt. J’ai rencontré Delphine Malausséna dans une résidence en 2017 et il y a eu un coup de foudre assez immédiat. Je voulais travailler avec elle, on s’est revu assez régulièrement. Et un jour, mon cousin jouait un concert Violoncello, qui mélange des chœurs au violoncelle, c’était une alliance inédite. Et en entendant ça, j’ai trouvé que c’était à la fois hyper moderne et classique, très cinématographique. J’ai appelé Delphine pour lui dire que c’était ça la musique du film et on a travaillé 3 ans dessus. Je voulais vraiment que la musique soit pas dessus la pudeur des personnages, qui disent pas les choses. Elle venait dire « je t’aime, c’est évident ».


« Parfois, faire de l’improvisation ça consiste aussi
à se taire, à faire un silence qui n’était pas prévu. »

Pour le rôle de Mirales, vous avez eu l’autorisation de faire de l’improvisation, des suggestions ou autre sur le tournage ?

RAPHAËL QUENARD : J’aime bien suggérer des idées au réalisateur. Après il garde, il garde pas… il se trouve qu’il en a gardé 80 % ! Non, mais par contre ce que j’adore avec Jean Baptise, c’est qu’il a son texte mais il est pas fermé à des propositions, ce qui nous offre une liberté d’interprétation. Je pense qu’on connaît mieux un acteur par ses rôles que par les échanges comme celui qu’on a là. Je me sens proche de Mirales donc je pouvais lui donner beaucoup de moi même.

J.B DURAND : Ce que j’aimais beaucoup chez Raphaël, c’est qu’il avait toujours l’intelligence de connecter son verbe à la musique du personnage. C’était pas de l’improvisation gratuite, c’était toujours hyper intelligent. Parfois, faire de l’improvisation ça consistait aussi à se taire, à faire un silence qui n’était pas prévu.

Entretien réalisé par Margot Costa de Cineverse.fr

CRITIQUE : LA CONFÉRENCE

 

CRITIQUE : LA CONFÉRENCE

24 avril 2023

La Conférence

La Conférence de Matti Geschonneck
: 15 hommes (trop) en colère

Avec La Conférence, Matti Geschonneck revient avec justesse et intelligence sur les ressorts de la technocratie nazie.

La Conférence affiche des airs de films historiques déjà vus. Pourtant Geschonneck prend ici à revers la thèse d’autres films célèbres comme La Chute, qui envisage le IIIe Reich sous le prisme d’une poignée de commanditaires.

“Au matin du 20 janvier 1942, une quinzaine de dignitaires du IIIe Reich se retrouvent dans une villa à Wannsee, conviés par Reinhard Heydrich à une mystérieuse conférence. Ils en découvrent le motif à la dernière minute : ces représentants de la Waffen SS ou du Parti, fonctionnaires des différents ministères, émissaires des provinces conquises, apprennent qu’ils devront s’être mis d’accord avant midi sur un plan d’élimination du peuple juif, appelé Solution Finale. Deux heures durant vont alors se succéder débats, manœuvres et jeux de pouvoir, autour de ce qui fera basculer dans la tragédie des millions de destins.”

 

La Conférence de Wannsee, acte 3 scène 1

Les studios de cinéma et de télévision n’en sont pas à leur premier coup d’essai pour porter à l’écran cet évènement sordide où le destin de millions de personnes a basculé. Il y a eu d’abord un téléfilm allemand (La Conférence de Wannsee) en 1984 puis un téléfilm américano-britannique (Conspiration) coproduit en 2001 par la BBC et HBO. Avec Kenneth Branagh, Stanley Tucci et Colin Firth entre autres, ces deux tentatives passent curieusement à côté du sujet.

Des personnages trop diabolisés pour le premier, des dialogues en anglais difficiles à accepter pour l’autre et des excès de colère entre les protagonistes bien trop romancées dans les deux. À vouloir trop évènementialiser cette conférence qui consistait pourtant à l’origine en une réunion ordinaire, les deux projets échouent.

Depuis, le temps est passé et l’émergence d’un réalisateur comme Matti Geschonneck permet d’enfin se saisir des véritables questions sous-jacentes à cette conférence.

« Hitler, c’est nous »

Si le cinéma allemand d’après-guerre selon le philosophe Éric Dufour a eu du mal à concevoir le IIIe Reich autrement que par « Hitler et sa clique » face à des Allemands qui seraient des victimes (En ces jours-là, La Nuit tomba sur Gotenhafen), la philosophe Hannah Arendt balaie tout cela avec le concept de banalité du mal en 1963. Tout fonctionnaire inséré dans le dispositif étatique est sujet aux pires exactions. Le cinéaste Hans-Jürgen Syberberg s’inscrit dans cette lignée lorsqu’il signe Hitler, un film d’Allemagne en 1977, une fresque de 7 heures. Hitler serait-il seul responsable du IIIe Reich ou la société l’y aurait poussé ? Syberberg n’apporte qu’une réponse sans appel : « Hitler, c’est nous ».

Avec toujours le même procès-verbal de l’époque mais chargé de cet héritage intellectuel, Geschonneck réussit dans La Conférence là où ses prédécesseurs ont échoué. Qu’un génocide soit en train d’être mis en place est évidemment un sujet, c’est en revanche finalement bien plus la personnalité ordinaire des technocrates qui attire notre attention. Quinze personnages en huis-clos qui débattent – cette fois ci en allemand – sans vociférer leur haine et sans qu’aucune musique ne vienne appuyer l’inhumanité de leur propos. Voilà une preuve que le sujet a été réfléchi en amont.

Une œuvre riche à l’esthétique malheureuse

La Conférence apparaît alors comme l’antithèse d’un autre film allemand à gros budget : La Chute (2004). Dans cette œuvre, spectacularisation d’un évènement historique notoire, le régime nazi se voit personnifié par une poignée de personnalités monstrueuses. Avec La Conférence, Geschonneck construit son dispositif de manière à ce que tous les personnages soient de simples technocrates. Interchangeables, encore et toujours.

Malheureusement, La Conférence est aussi une œuvre peu inspirée dans sa mise en scène. Les champs contrechamps s’enchaînent avec facilité et les gros plans se veulent trop insistant pour créer de l’émotion. Certes, une pluie d’effets aurait été malvenue. Mais cette répétition formelle mêlée à des tunnels de dialogues parfois complexes, nous renvoie à un travail riche mais fastidieux.

En dépit d’une mise en scène trop plate, La Conférence se révèle être une œuvre aux références intellectuelles bien digérées et réfléchies pour questionner la nature du régime nazi. Bien loin d’instrumentaliser l’histoire, Matti Geschonneck livre un récit effroyable et sans nulle doute intemporel. Si l’humanité a perdu la guerre en ce 20 janvier 1942, rappelons que l’histoire ne cesse de bégayer.

Critique rédigée par Camille Esnault de Cineverse.fr

CRITIQUE : LES TROIS MOUSQUETAIRES : D'ARTAGNAN

 

CRITIQUE : LES TROIS MOUSQUETAIRES : D’ARTAGNAN

18 avril 2023

Les Trois Mousquetaires - D'Artagnan

Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan
de Martin Bourboulon : Une adaptation royale

 

Martin Bourboulon avait déjà prouvé qu’il maîtrisait le film d’époque avec Eiffel en 2021. Aujourd’hui, avec le premier volet Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan, le réalisateur récidive dans le film en costumes et surtout, dans un autre genre qui a marqué l’histoire du cinéma : le film de cape et d’épée.

Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan : Du Louvre au Palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle… Dans un Royaume divisé par les guerres de religion et menacé d’invasion par l’Angleterre, une poignée d’hommes et de femmes vont croiser leurs épées et lier leur destin à celui de la France.

 

Immersion totale

Difficile de se rendre compte des deux heures qui s’écoulent lorsque tous les éléments nécessaires pour être transporté vers une autre époque sont réunis. Le travail d’immersion réalisé par Martin Bourboulon et son équipe domine sur tout autre aspect du film, rendant le moindre défaut difficilement perceptible. Avec les visages familiers de François Civil, Romain Duris, Pio Marmaï et Vincent Cassel et du reste des acteurs (tous relativement connus) Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan pourrait passer pour un simple film d’aventures réalisé pour le seul divertissement du public.

Cependant, le charisme naturel des comédiens, donne à leurs personnages une prestance et une authentique profondeur. La qualité de leur jeu nous plonge ainsi dans une série envoûtante de péripéties, de rebondissements, de rencontres et d’affrontements qui rythment le scénario. Ce récit si palpitant et vertigineux, qui pourrait nous perdre, a justement été rédigé intelligemment. Chaque personnage, dans son rôle, contribue à l’évolution de l’intrigue. Celle-ci aboutira à son dénouement dans le second volet, Les Trois Mousquetaires : Milady, déjà attendu impatiemment.

Costumes, décors, musique, couleurs, plans filmés… Chaque paramètre concourt admirablement à cette immersion totale dans l’univers du film, menant à l’émerveillement du spectateur. Effets spéciaux, bâtiments réels ou bien mélange réunissant les deux “techniques” ? La qualité et crédibilité des décors étant au rendez-vous, la question s’oublie vite. La musique, composée méticuleusement par Guillaume Roussel, nous emporte de manière virevoltante dans cette virée historique du XVIIe siècle. A la composition, s’ajoute chaque plan large qui précède le début des scènes et la couleur qui teinte l’ensemble des images du film. En effet, la photographie s’unit harmonieusement avec la musique et valorise somptueusement tous les éléments visuels de ce premier chapitre. L’immersion est totale et la réalité d’où vient le spectateur, oubliée.

 

Oser la modernité

Un anachronisme se définit comme une erreur de chronologie, qui peut donc nuire à la qualité d’un film. Malgré tout, Martin Bourboulon a osé jouer avec ces “erreurs”, un procédé qui s’avère étonnamment efficace. Le réalisateur a justement choisi des costumes anachroniques pour vêtir ses mousquetaires, qui semblent alors plus téméraires et plus virils dans leur allure. D’Artagnan, Aramis, Athos et Porthos apparaissent tels de vaillants héros à la bravoure indéniable, qui ne peut être qu’applaudie et célébrée.

Les répliques peuvent s’entendre au départ, comme des phrases inspirées du roman d’Alexandre Dumas et du langage de l’époque. Pourtant, à mesure que les péripéties s’enchaînent, le langage courant de notre époque rejoint les dialogues. Ce choix qui pourrait s’avérer maladroit et compromettant, crée, en réalité, une meilleure proximité entre les personnages et les spectateurs. De manière plutôt inattendue, l’humour trouve également sa place dans le scénario et s’y intègre avec fluidité, validé par les rires unanimes du public. Enthousiasmé par toute l’action qui dynamise furieusement l’intrigue, il assiste au rendu spectaculaire d’un film de cape et d’épée glorieusement modernisé.

 

Vivement la suite ?

Il est inutile de rappeler qu’il ne s’agit pas de la première adaptation des Trois Mousquetaires, et probablement pas de la dernière (la précédente, de Paul W. S. Anderson datant de 2011). S’emparer du roman d’Alexandre Dumas pour l’adapter à nouveau présentait donc un certain risque.

Mais le souffle authentique et audacieux insufflé par Martin Bourboulon dans son film vivifie brillamment ce classique littéraire. Sa version diverge de l’histoire proposée dans le roman sans lui faire défaut. Et sa volonté d’inclure autant d’action mais aussi de rebondissements et de surprises renouvelle l’idée des réalisations possibles dans le cinéma français, connu pour briller dans d’autres genres que celui du film d’aventures. Après Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan, maîtriser sa patience pour découvrir le deuxième volet le 13 décembre sera le véritable défi à relever.

 

Critique rédigée par Wienna de Cineverse.fr

CRITIQUE : VOYAGES EN ITALIE

 

CRITIQUE : VOYAGES EN ITALIE

28 mars 2023

Voyages en Italie

Voyages en Italie de Sophie Letourneur :
Fragments d’un discours amoureux

 

Avec Voyages en Italie, Sophie Letourneur poursuit son exploration du couple amoureux.

Après Énorme qui questionnait la grossesse confrontée aux désirs et aux inspirations artistiques, la cinéaste interroge ici l’amour face à la parentalité. Tout comme pour son précédent film où elle s’inspirait de sa grossesse, Letourneur construit Voyages en Italie autour de sa propre expérience d’un séjour italien avec son mari.

Sophie (Sophie Letourneur) parvient à convaincre Jean-Phi (Philippe Katherine) de partir en vacances pour raviver la flamme de leur amour. L’Espagne ? Ça ne l’intéresse pas. L’Italie ? Il l’a déjà fait avec toutes ses ex. La Sicile alors. Car d’après-lui, « ce n’est pas tout à fait l’Italie ». Laissant leur enfant derrière eux, vont-ils réussir à se retrouver dans ces quatre jours de vacances ?

 

Un homme et une femme

« C’est donc un(e) amoureux(se) qui parle et qui dit ». La phrase de Roland Barthes pourrait ouvrir Voyages en Italie. Car à la genèse de ce film il y a l’amour, dénué de toute niaiserie. La candeur de ce programme se traduit dans un dispositif très épuré : un homme et une femme face caméra. Aux histoires d’amour, la réalisatrice retire l’histoire pour ne garder que l’amour, sans la dramatisation qui l’accompagne trop souvent. Ce qui se déroule est davantage une extension du quotidien qu’une romantisation de ce dernier. Ainsi, Sophie Letourneur incarne son propre rôle, et Philippe Katherine reste étonnement en retenue. Il arbore d’ailleurs une attelle durant presque tout le film, comme pour contenir les excentricités caractéristiques de son jeu, et qu’il garde les pieds sur terre.

« Il faut trouver l’extraordinaire dans l’ordinaire » dit Sophie au début du film. Voyages en Italie y travaille tout du long en nous montrant des scènes qui pourraient sembler dénuées d’intérêt (le choix de la destination de vacances, la location de scooter, etc.). Mais c’est précisément dans ces moments que Letourneur parvient à en extraire de l’amour. Car ce qui l’attire avant tout, c’est le réalisme. Et dans la vie, tout n’est pas toujours intense. L’amour n’est pas une chose qui apparaît pendant un baiser et disparaît la minute suivante. Il se rejoue à chaque instant, dans chaque interaction, dans chaque regard. C’est dans ces interstices que se déploie la beauté de ce film. Cette latence a pour effet premier d’accentuer l’intensité du climax, véritable éruption.

Voyages en Italie se joue en réalité sur deux tableaux. Dans le dernier tiers du film, le spectateur découvre que les images sont un flash-back. Le couple est à Paris, dans le lit conjugal, et fait le récit de cette excursion Sicilienne. Généralement, dans les roms coms, l’amour s’impose de fait aux personnages. Letourneur fait tout l’inverse et confronte les sentiments à la dialectique du couple. Ils enveloppent ainsi leur amour dans la forme la plus rationnelle qui soit : le discours.

 

Voyages, Voyage

La comparaison avec Rossellini et son Voyage en Italie est inévitable. Les deux cinéastes ont un attrait assumé pour le naturalisme, et les deux films traitent d’amour et de corps étrangers en Italie. Mais le S à Voyages est un des indices laissant présager que le film de Letourneur n’est pas un simple remake. Évidemment, la cinéaste a totalement conscience de cet héritage et, comme pour l’expurger, le confronte frontalement. Dès leur arrivée en Italie, Jean-Phi évoque au cours d’une discussion Rossellini, et plus particulièrement Voyage en Italie. Sophie, que l’on devine cinéaste, n’a pas vu les films du grand maître italien. La discussion s’arrête aussi sèchement qu’elle fut abordée, créant une certaine ironie.

Quoi qu’il en soit, Voyages en Italie contient tout de même des accents rosselliniens. Tout comme le cinéaste italien, Letourneur est une cinéaste qui conçoit ses films d’après nature (il est intéressant de noter qu’elle voulait être peintre). C’est le réel qui prévaut. Les personnages de fiction y sont placés dans un second temps. Les scènes de voitures (d’une grande importance puisqu’elles symbolisent le voyage) suivent donc le même procédé que dans le film de Rossellini. Le champ des personnages est celui de la fiction. Le contre-champ sur la rue est celui du documentaire, qui préexiste toujours.

On pourrait s’amuser à trouver d’autres clins d’œil au cinéaste italien, comme le changement de conducteur sur le scooter, Stromboli, etc. Mais le film de Letourneur demeure essentiellement différent dans son déroulement et son apogée. Le montage de Voyages en Italie est bien plus saccadé et ellipsé. Il en ressort une esthétique plus amateur qui participe au charme du film. De même, chez Rossellini, le dénouement final fige les personnages dans un instant bien souvent cathartique. Au contraire, le film de Letourneur – donc le quotidien des personnages – se poursuit à la suite du baiser et des vacances. La réalisatrice laisse ainsi entendre que la vie n’est pas une comédie romantique et qu’elle perdure bien après le panneau FIN.


Sophie Letourneur confirme encore une fois son statut très singulier dans le cinéma français. Film après film, et malgré un certain succès, elle s’obstine à conserver sa radicalité qui forme tout son talent. Voyages en Italie part de son expérience personnelle mais parle plus globalement d’amour, de ses contradictions et de sa place dans notre quotidien. Derrière l’apparence ordinaire de ces images, l’extraordinaire beauté des sentiments transparait.

 

Critique rédigée par Matias Nemirovsky de Cineverse.fr

CRITIQUE : DALVA

 

CRITIQUE : DALVA

27 mars 2023

Dalva

Dalva de Emmanuelle Nicot :
Libérée, délivrée, retrouvée

 

Après son court-métrage richement récompensé, À l’arraché, Emmanuelle Nicot poursuit sa route avec son premier long-métrage, Dalva.

Une nouvelle fois immergée dans un foyer pour enfants, la réalisatrice nous fait découvrir l’histoire d’une jeune fille victime d’inceste. Si le malheur de cette enfant en choque assurément plus d’un, Dalva ne manquera pas d’alerter davantage le public sur une réalité bien plus insoupçonnée.

Dalva a 12 ans mais s’habille, se maquille et se vit comme une femme. Un soir, elle est brusquement retirée du domicile paternel. D’abord révoltée et dans l’incompréhension totale, elle va faire la connaissance de Jayden, un éducateur, et de Samia, une adolescente au fort caractère. Une nouvelle vie semble alors s’offrir à Dalva, celle d’une jeune fille de son âge.

 

Un sujet peu à peu mis en lumière

Le sujet difficile de l’inceste obtient progressivement un éclairage bienvenu au cinéma. On pense notamment aux douloureux mais nécessaires Les Chatouilles de Andréa Bescond ou bien Un amour impossible de Catherine Corsini, tous deux sortis en 2018. Emmanuelle Nicot connait aussi ce thème. La réalisatrice a passé 6 ans dans un centre d’accueil d’urgence pour enfants pour réaliser son court-métrage À l’arraché. C’est pendant cette période qu’elle a entendu parler d’une petite fille de 6 ans, violée par son père. Cette enfant avait été recueillie par un éducateur, père d’une amie d’Emmanuelle Nicot. Avec lui, la fillette entretenait un jeu de séduction, ayant été longtemps sexualisée. C’est ainsi que l’histoire de Dalva est née. La réalisatrice a voulu imaginer comment se serait comportée cette petite fille à l’âge de 12 ans, où la puberté et les débuts de l’adolescence font surface.

Émotion dominante tout le long du film, le choc, qui ne cesse de ressortir, maintient le public en haleine. Telle est la stratégie audacieuse mais surtout ingénieuse de la part d’Emmanuelle Nicot : choquer pour mieux captiver, et surtout, pour informer d’une réalité alarmante. La réalisatrice a construit un assemblage efficace de différents éléments qui provoquent et abasourdissent spontanément. Nombreuses sont les phrases, qui, d’ordinaire, ne sortiraient pas de la bouche de jeunes adolescents. Mais dans un foyer qui accueille des enfants victimes de maltraitance, les propos entendus sont aussi inattendus qu’absurdes. En réalité, ils représentent oralement une situation traumatique non visible (car non montrée à l’écran) mais malheureusement réelle. Courtes et dépourvues de tout terme difficilement compréhensible, ces répliques résonnent et percutent inévitablement, jusqu’à l’indignation.

L’inconscience de Dalva et sa conviction sur “l’amour” qu’elle croit partager avec son père constituent l’aspect le plus choquant du film. Sa libération de l’emprise de ce dernier semble sans espoir. Cette idée accablante contribue au développement naturel d’une empathie prononcée pour le sort de l’enfant. Si le déni de la jeune fille se manifeste d’abord par la violence de ses paroles et de ses gestes, son apparence en témoigne tout autant. En l’habillant de tenues chics et avec un maquillage sophistiqué, le père de Dalva a fait de sa fille, “sa petite femme”, comme l’explique Emmanuelle Nicot. Ce choix visuel indique distinctement le décalage entre l’âge de Dalva et la fausse idée d’elle-même que son père lui a transmis. Il souligne aussi la différence entre Dalva et ses camarades qui ne peuvent s’empêcher de remarquer ce contraste.

 

La lumière au bout du tunnel

Bien que l’histoire de Dalva s’avère éprouvante et rude, son récit ne s’arrête pas là. Inespérée au début, une délivrance progressive opère et permet à la jeune fille de réaliser petit à petit l’horreur qu’elle subissait. Cette évolution se révèle aussi visuellement et poursuit le cheminement logique et bien pensé par Emmanuelle Nicot. Les tenues que portent Dalva deviennent plus adaptées à son âge. Ses coiffures expriment la libération qu’elle vit. Son comportement plus ouvert et ses gestes plus légers expriment la fin de l’emprisonnement dont elle souffrait mais qu’elle ignorait.

Un message d’espoir se dessine à mesure que l’émancipation de Dalva prend forme. Emmanuelle Nicot use du pouvoir émotionnel de son scénario jusqu’au bout. Le choc ressenti tout le long du film, se transforme finalement en apaisement. Une lumière ne cesse d’intervenir au début de plusieurs scènes tel un indice très révélateur. Elle représente l’espoir qui illumine splendidement le parcours tumultueux de la petite Dalva.

Malgré cette belle fin, l’accompagnement psychologique qui permet l’évolution de l’héroïne demeure quasiment absent de l’écran. Cette longue étape n’est pourtant pas négligeable puisqu’elle joue un rôle majeur et indispensable dans la vie de l’enfant autrefois maltraitée.

 

Toutefois, nul besoin de mots pour conclure de manière mémorable ce film poignant. Un seul geste célèbre la beauté de l’aboutissement du chemin parcouru par Dalva. Avec cette fin marquante, Emmanuelle Nicot illustre avec brio un passage des ténèbres à la lumière.

 

Critique rédigée par Wienna de Cineverse.fr

CRITIQUE : JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES

 

CRITIQUE : JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES

27 mars 2023

Je verrai toujours vos visages

Je Verrai Toujours vos Visages
de Jeanne Herry : Face-à-face


Avec Je Verrai Toujours Vos Visages, regards, écoutes et paroles s’entremêlent pour offrir un film fort et sincère, proche du documentaire.

 

Cinq ans après Pupille, Jeanne Herry s’attaque dans Je Verrai Toujours Vos Visages à une nouvelle pratique quelque peu méconnue dans notre pays : la Justice Restaurative.

Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel. Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l’arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s’engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative. Sur leur parcours, il y a de la colère et de l’espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée… Et au bout du chemin, parfois, la réparation…

 

Les prisonniers de la Table ronde

En 2017, Pupille avait conquis avec ses trois nominations au César et son sujet, l’adoption, auquel le public français n’avait pas l’habitude de s’interroger dans les salles obscures. Rebelote avec Je verrai toujours vos visages qui questionne cette fois-ci la Justice Restaurative, une initiative rare sur grand écran. Si l’année 2023 avait mal commencé pour les films choraux français (coucou Astérix), Jeanne Herry a fait appel à de grandes actrices et de grands acteurs pour leur jeu, et non pas pour leur “popularité” : Adèle Exarchopoulos, Gilles Lellouche, Leila Bekhti, Elodie Bouchez, Denis Podalydès… et même sa propre mère Miou-Miou. Rien que ça.

Ce qui marque d’entrée dans Je verrai toujours vos visages, c’est la précision et la justesse avec lesquelles le sujet du film est expliqué. Un thème comme celui-ci aurait pu en laisser quelques-uns sur le bord de la route dès les premières minutes, et pourtant non. On découvre alors ces “visages” : certains blessés, marqués, d’autres enjoués ou attentionnés. Les histoires et les récits qui les accompagnent sont durs, violents. Mais ils ont tous le seul et même objectif : l’oubli, pour avancer.

 

La face cachée de la plume

Alors la parole se libère et la puissance de jeu de tous ces interprètes avec. Les monologues se suivent, certains durent plus de six, sept minutes. Chacun a son temps de parole dans cette grande horloge d’échanges et de partages. Un rire, un sourire, nous attrape et nous fait du bien, comme une bouffée d’oxygène. On respire. C’est bluffant de réalisme, de sincérité mais surtout d’écriture. Rien n’est laissé au hasard ou à l’improvisation : chaque virgule compte. Le scénario est d’une précision remarquable et l’on imagine la quantité de documentations nécessaires pour en arriver à ce résultat.

Jeanne Herry le dit elle-même : “Je suis réalisatrice essentiellement pour mettre en scène les acteurs, c’est ça que j’aime dans la vie” (Beau Geste, France 2, 12/03/2023). Dans son troisième long-métrage, elle les sublime. À tour de rôle, ces visages du cinéma français se succèdent en harmonie. Difficile de ne pas imaginer quelques nominations aux César l’an prochain, même s’il est encore tôt pour se prononcer. Aucun interprète n’est dans le faux, tout est vrai, brut. Même la scène finale nous réserve une surprise inattendue : un ultime visage, un dernier regard, qui vient clôturer ce brillant récit.

 

Je Verrai Toujours Vos Visages est un grand film sur la résilience, le pardon et sur l’écoute de l’autre. Des actrices et des acteurs justes au service d’un scénario millimétré : le troisième film de Jeanne Herry nous cueille, c’est vrai. Inutile de se voiler la face…

 

Critique rédigée par Tom de Cineverse.fr

CRITIQUE : HOURIA

 

CRITIQUE : HOURIA

21 mars 2023

Houria de Mounia Meddour :
Danse ta vie

 

Houria est l’histoire sensible d’une jeune femme entre résilience, amitiés et soif de vivre. Après Papicha, Lyna Khoudri illumine une nouvelle fois le grand écran sous la direction de Mounia Meddour.

Houria est une jeune danseuse algérienne pleine d’avenir. Alors qu’elle vient d’empocher une grosse somme d’argent dans un combat clandestin de béliers, elle se fait agresser. Ses ambitions de ballerine partent en alors fumée et elle doit réapprendre à vivre avec son corps meurtri. Un choix s’offre alors : se laisser sombrer ou devenir maîtresse de sa nouvelle vie.

 

Une histoire de résilience

Houria s’ouvre sur une magnifique scène de danse sur le toit d’un immeuble au cœur d’Alger. On y fait alors la connaissance de notre héroïne qui semble se confondre avec le vent et la lumière du soleil. Proche du corps et de ses mouvements, la caméra de Mounia Meddour est au plus près de son actrice fétiche, Lyna Khoudri, sans jamais créer une sensation d’étouffement ou d’étourdissement.

Ballerine prometteuse au sein de son école de danse, Houria n’a qu’une seule ambition : devenir une grande danseuse classique. Puis vient l’agression. Un événement, qui, en plus de forcer la jeune femme à abandonner ses rêves de ballet, la rend mutique. Si le ressort cinématographique du choc traumatique précédant une remise en question totale du protagoniste a été usé jusqu’à la corde, Mounia Meddour parvient à y ajouter sa sensibilité et sa personnalité.

 

L’Algérie à la loupe

Lors d’une séance de rééducation, le personnage de Lyna Khoudri fait la connaissance d’une communauté de femmes muettes privilégiant la langue des signes. À leur contact, Houria va alors retrouver peu à peu le goût de vivre en leur enseignant la danse, SA danse. Libérée des carcans du classique et au contact de cette nouvelle sororité, elle trouve enfin sa propre voie.

Houria est également une plongée dans l’Algérie contemporaine. En toile de fond, Mounia Meddour nous dépeint un pays en proie à la mélancolie. La réalisatrice de Papicha puise dans son propre vécu et son expérience de documentariste. On y trouve notamment la fuite de jeunes Algériens en quête d’un avenir meilleur de l’autre côté de la Méditerranée ou encore les stigmates laissées par la décennie noire, vingt ans plus tard.

À l’image de son héroïne, Houria met en scène une Algérie blessée mais qui ne cessera jamais de se relever.

 

Critique rédigée par Amandine Sanchez de Cineverse.fr

CRITIQUE : DE GRANDES ESPÉRANCES

 

CRITIQUE : DE GRANDES ESPÉRANCES

21 mars 2023

De Grandes Espérances de Sylvain Desclous :
L’Enquête corse

 

Avec De Grandes Espérances, Sylvain Desclous réunit pour la première fois à l’écran le couple Rebecca Marder et Benjamin Lavernhe dans une affaire où carrières politiques et lourds secrets se mêlent. Atteindre les hautes sphères du pouvoir en montrant patte blanche n’est pas une chose aisée…

Dans De grandes espérances, Rebecca Marder joue Madeleine, jeune étudiante de Sciences Po Lyon, vouée à une grande carrière politique. Elle file le grand amour avec Antoine (Benjamin Lavernhe), lui aussi destiné à côtoyer les plus hautes sphères de l’État. Tous deux s’octroient alors quelques jours de vacances en Corse afin de préparer leurs oraux de l’ENA. Lors d’une banale balade en voiture sur les routes de l’île de beauté, ils croisent le chemin d’un automobiliste local avec qui une violente dispute éclate et vire au drame. Un secret dramatique les lie à jamais et risque de menacer leurs carrières respectives.

 

Un trio de choc

Et si l’année 2023 était celle de la confirmation pour Rebecca Marder ? L’actrice de 27 ans est à l’affiche de trois longs-métrages en l’espace de moins de deux mois (La Grande Magie, Mon Crime et De Grandes Espérances). Après deux passages remarqués et remarquables dans Une Jeune Fille Qui Va Bien et Simone : le voyage du siècle en 2022, l’ancienne benjamine de la Comédie française attaque cette nouvelle année avec de beaux projets.

Un océan de possibilités : le film s’ouvre sur la mer Méditerranée. Madeleine (Rebecca Marder) y flotte, comme portée par son propre destin. Un repas de famille nous introduit chaque personnage, avec brio. Les enjeux du récit sont clairs et portés par un trio en totale symbiose. Emmanuelle Bercot ajoute cette légère touche de dureté et de charisme, sans en faire trop. La première demi-heure est d’une véritable efficacité, tant par son jeu que par sa réalisation. Grâce à une excellente direction d’acteurs, il est impossible de ne pas être cueilli par cette introduction. Il est aussi impressionnant de voir comment Sylvain Desclous capture chaque fragments de ces idylles naissantes, amoureuses certes mais aussi professionnelles. Le moment de bascule nous plonge dans un chaos total. La salle toute entière retient son souffle. La tension est palpable. Les visages et les regards ne sont plus les mêmes, les destins non plus.

De Grandes Espérances porte bien son titre. Porté par une flamme qui s’essouffle peu à peu, le deuxième long-métrage de fiction de Sylvain Desclous n’est pas un thriller politique désagréable, mais c’est pour son casting que de grandes espérances naissent. Rebecca Marder et Benjamin Lavernhe n’ont pas fini d’impressionner, loin de là.

 

Critique rédigée par Tom de Cineverse.fr

CRITIQUE : MON CRIME

 

CRITIQUE : MON CRIME

6 mars 2023

Mon Crime

Mon Crime de François Ozon :
Permis de tuer

 

Réanimant le sous-genre hollywoodien de la screwball comedy (comédie loufoque), François Ozon livre avec Mon Crime une œuvre aussi surprenante que réjouissante. Porté par une troupe de comédiens formidable, le récit brille par sa générosité et son propos féministe jubilatoire.

 

Dans les années 30 à Paris, Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d’un célèbre producteur. Aidée de sa meilleure amie Pauline, jeune avocate au chômage, elle est acquittée pour légitime défense. Commence alors une nouvelle vie, faite de gloire et de succès, jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour…

 

Riposte féministe

Toujours aussi productif depuis 25 ans, François Ozon n’aime définitivement pas se faire attendre. Après Tout s’est bien passé et Peter Von Kant, il renoue pour notre plus grand plaisir avec la comédie. À l’instar de 8 Femmes et de Potiche, Mon Crime est une adaptation libre d’une pièce de théâtre (celle de Georges Berr et Louis Verneuil montée en 1934) où les femmes sont une nouvelle fois mises à l’honneur.

Si François Ozon est parfois accusé de misogynie, tout particulièrement pour Jeune et Jolie, son Mon Crime est bien au contraire un plaidoyer féministe. Madeleine (Nadia Tereszkiewicz tout juste primée au César pour Les Amandiers) est accusée du meurtre d’un célèbre producteur de théâtre. Aidée de sa compère Pauline (Rebecca Marder), une jeune avocate, elle décide finalement d’avouer ce crime… qu’elle n’a pas commis !

Aux détours de situations absurdes et d’enchaînements cocasses, Ozon prend un malin plaisir à filmer des hommes atterrés. Sans argent et dépourvues de droits, les femmes n’ont pas d’autres solutions que de tuer pour soulever l’opinion publique. Dès lors, les hommes ont désormais peur d’être supprimé en toute légitimité par des femmes, jugées opportunistes. Avec espièglerie et malice, Mon Crime passe ainsi d’un théâtre de boulevard particulièrement enthousiasmant à un manifeste féministe éclatant.

 

Une troupe de comédiens truculents

Des acteurs au diapason, tous prêt à assumer l’artificialité de leur jeu et la théâtralité des dialogues : voici la recette à succès de Mon Crime. À commencer par les deux étoiles montantes du cinéma français, Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder. Ce duo doté d’une complicité et d’une alchimie d’exception mène un jeu de faux-semblant qui donne le la.

Les rôles secondaires ne sont toutefois pas en reste, à l’image d’Isabelle Huppert, Fabrice Luchini ou André Dussollier. De même, la présence singulière de Dany Boon aux accents marseillais et Régis Laspalès en inspecteur confiant apportent un second-souffle. Tous jouent le jeu voire même surjouent de manière à donner vie à toutes les facéties présentes à l’écran.

Malgré l’ouverture et la fermeture des rideaux structurant le film, rassurez-vous, le cinéma n’en est pas en peine. C’est ainsi que François Ozon alterne par séquences des moments en noir et blanc puis en couleur pour illustrer et narrer les hypothèses farfelues proposées par tous les protagonistes de l’histoire. Le jeu d’acteurs y est encore plus marqué et caricatural : ça passe ou ça casse, choisissez votre camp.

Comme toute œuvre qui touche à l’absurde et frise avec le ridicule, Mon Crime laissera plus d’un spectateur sur le côté. Néanmoins, quand des comédiens s’amusent autant à l’écran, à l’image d’Olivier Broche qui déclare dans un élan d’enthousiasme que « cette aventure est formidable », le public – lui aussi – ne peut s’empêcher de sourire voire plus si affinité.

 

Critique rédigée par Camille Esnault de Cineverse.fr

CRITIQUE : THE FABELMANS

 

CRITIQUE : THE FABELMANS

6 mars 2023

The Fabelmans

The Fabelmans de Steven Spielberg :
L’homme à la caméra

 

Long live the King ! Seulement un an après la sortie de son West Side Story, Steven Spielberg signe un retour remarqué. Se penchant sur le périlleux exercice du film autobiographique, le cinéaste étale toute sa classe et sa technique au service d’une œuvre grandiose, qui n’attend que les années pour devenir un jalon incontournable du cinéma américain. Très attendu pour les Oscars 2023, le film peut déjà se vanter de ses deux Golden Globes (meilleur film dramatique et meilleur réalisateur).

 

Le jeune Sammy Fabelman tombe amoureux du cinéma après que ses parents l’ont emmené voir The Greatest Show on Earth. Armé d’une caméra, Sammy commence à faire ses propres films à la maison, pour le plus grand plaisir de sa mère qui le soutient.

 

Fascination et créativité

Les yeux rivés sur l’écran de cinéma, la magie opère. Aussi simpliste l’idée soit elle, c’est dans ce propos que se rejoignent les principes narratifs de The Fabelmans. À travers les yeux de son personnage principal Sammy, le récit nous initie dès son ouverture à la fascination pour un art du spectacle, depuis une époque dont seuls nos grands-parents peuvent encore attester. Ce propos résonne tout particulièrement quand on se retourne vers la filmographie de son cinéaste : E.T, Ready Player One ou encore Jurassic Park. Le spectacle produit la fascination. La fascination produit le désir, produisant lui-même la créativité.

Si l’autobiographie n’est pas chose aisée, Steven Spielberg a saisi la fine ligne d’émotion à ne pas franchir pour que le spectateur continue de se sentir accueilli par le récit. Cette prouesse passe notamment par la narration, et sa capacité à saisir l’émotion par la fascination de l’image. À plusieurs reprises, Spielberg nous fait entrer dans son intimité de jeunesse, dans la conception de ses premières œuvres cinématographiques. Si ces projets de jeunesse n’impressionnent pas nécessairement au premier regard, la puissance de leur imagerie frappe quand ils renaissent dans la diégèse de The Fabelmans. Pour la majorité des spectateurs, ce sera leur premier visionnage de The Last Gunfight ou Escape to Nowhere, les deux premiers court-métrages du réalisateur. C’est justement sur ce point-ci que la fascination intervient. The Fabelmans ne se contente pas de s’offrir lui-même comme objet de cinéma, il dévoile au plus grand nombre des œuvres et des séquences d’une innocence fascinante.

Si toute la filmographie de Steven Spielberg fait écho à sa jeunesse et à ses rapports familiaux, The Fabelmans vient apporter une conclusion à la définition même que le cinéaste se fait de son art. En jetant un coup d’œil en arrière, on y retrouve des comédies, de grands drames, de l’aventure ou des films historiques. Parfaite illustration de ce que beaucoup ont tendance à négliger : les films ne sont pas définis par leur catégorisation de genre. Et cela, Steven Spielberg l’a compris depuis des décennies. Mêlant des astuces d’horreur à des récits chevaleresques ou portant une histoire d’aventure avec des ficelles narratives naturalistes, son cinéma peut se réinventer et surprendre au fil des séquences. The Fabelmans est la copie définitive d’une œuvre immense, établie depuis près de quarante ans.

L’exercice de l’autobiographie

S’il est un piège dans lequel il ne faut pas tomber en racontant un récit, c’est la mécanisation des personnages secondaires. Oui le récit est nécessairement centré sur son protagoniste, oui il est le chef d’orchestre des interactions. Mais en proposant une telle œuvre, le spectateur doit pouvoir continuer à croire crédible l’univers dans lequel il est plongé. The Fabelmans, brillant dans sa gestion de la famille du protagoniste, pêche néanmoins lorsqu’il s’agit d’interagir avec le reste de son panel de personnages. Les péripéties, notamment dans les séquences à l’école, semblent moins naturelles et laissent parfois entrevoir des ruptures non-essentielles dans le récit. Pour autant, ce décalage dégage une mélancolie particulièrement cohérente avec ce que transmet l’œuvre.

Qu’est-ce qui différencie deux films traitant de sujets similaires ? Formellement, tant Babylon (pour un exemple récent) que The Fabelmans traitent du rapport au cinéma de leur cinéaste respectif. Cependant, le jeune Damien Chazelle traite d’une époque vieille d’un siècle, qu’il n’a pas lui-même connue. En racontant sa propre histoire, Steven Spielberg joue la – malicieuse – carte de la nostalgie avec son audience. Avec de longues séquences au sein de sa famille ou des emphases sur la plus banale des actions, le cinéaste américain se laisse la possibilité de toucher le plus grand nombre. Avec The Fabelmans, son réalisateur signe son œuvre la plus nostalgique, sentiment foncièrement bénéfique, tant pour les millions d’yeux qui regardent le film que pour son cinéaste légendaire.

Les débats sont ouverts. Film testamentaire ? Reverra-t-on Steven Spielberg ? Quoi qu’il en soit, The Fabelmans sort dans les salles françaises ce 22 février pour conter une fresque de vie brillante, étalant aux spectateurs tout ce qu’ils ont pu aimer chez le cinéaste depuis quarante ans. Drôle, émouvant, nostalgique ou bien surprenant, tant de qualificatifs nous viennent en tête à la sortie de salle. Une chose est certaine, si le film a ses défauts, il restera cependant gravé dans l’esprit pour quelques temps.

 

Critique rédigée par Josselin Colnot de Cineverse.fr

CRITIQUE : AFTERSUN

CRITIQUE : AFTERSUN

14 février 2023

Aftersun de Charlotte Wells : Bonsoir tristesse

 

Aftersun de la réalisatrice Charlotte Wells, c’est un film de vacances résonnant comme une lettre d’adieu.

Avec mélancolie, Sophie se remémore les vacances d’été passées avec son père, Calum, vingt ans auparavant : les moments de joie partagée, leur complicité, parfois leurs désaccords. Elle repense aussi à ce qui planait au-dessus de ces instants si précieux : la sourde et invisible menace d’un bonheur finissant. Elle tente alors de chercher parmi ces souvenirs des réponses à la question qui l’obsède depuis tant d’années : qui était réellement cet homme qu’elle a le sentiment de ne pas connaître ?

 

Nos jours heureux

OFF. La caméra est coupée, pourtant les violons résonnent encore dans le creux de nos oreilles de spectateurs. Perdus entre nos souvenirs et les images du film de Charlotte Wells, nous en sommes réduits à notre état d’êtres sensibles. Si les prix et récompenses pleuvent sur ce premier film, ce sont bien des larmes qui coulent sur les joues du public dans cette salle qui se rallume.

Sorti en février mais pourtant film d’été, Aftersun apporte quelques rayons de soleil dans un hiver glacé. Projeté une première fois à Cannes en mai 2022, puis dans de nombreux festivals, il est le premier long métrage, très intimiste et personnel de Charlotte Wells. La réalisatrice écossaise y dessine un duo père-fille à la relation taquine et complice, à la limite de fraternelle. Ce tableau attendrissant est aussi rempli de tourments, dissimulés derrière le charme de Paul Mescal.

 

Before sunset

Aftersun nous invite dans un voyage multi-générationnel au travers de multiples caméras, celui de Calum la fraiche trentaine et sa fille Sophie, 11 ans. Lui, encore trop jeune pour être père ; elle, déjà trop vieille pour traîner avec les enfants. Le film alterne alors entre la curiosité d’une jeune fille, qui observe le monde adolescent qui l’entoure, et l’étonnement d’un père se félicitant d’être encore sur Terre. Un point de bascule entre 4 générations qui se traduit par des discussions inassouvies et les regards froissés qui les accompagnent. Aftersun est de ces œuvres, comme Julie en 12 chapitres ou The Father, qui nous font vivre une expérience de vie, fragile et saisissante.

Le film de Wells ne touche sans doute pas le public de la même façon, tant il laisse chacun libre de faire appel à ses propres souvenirs. La première partie pourra également paraître lente, dissimulant les enjeux dramaturgiques qui lui succèderont. Cette désorientation rend pourtant l’expérience d’autant plus sensorielle, qu’elle égare le spectateur dans son propre visionnage. Ce lien qui rattache la fille à son père, renvoie chacun à ses souvenirs d’enfance, heureux comme douloureux. Et malgré tout, quand Aftersun se termine, il reste une chance d’avoir rembobiné ces souvenirs-là. Et si nos deux héros « trouvent ça chouette de partager le même ciel » nous partageons alors un bout de ce sentiment, avec des milliers d’autres personnes.

Une lecture… deux lectures… comme si l’on déroulait à nouveau la bobine de pellicule, Aftersun ne perd rien de son impact émotionnel au fur et à mesure des visionnages. Ne serait-ce finalement pas ça, l’essence du cinéma ? Un moyen de vivre une vie qui n’est pas la notre, mais qui vient pourtant creuser nos souvenirs pour se construire en nous. Ne reste qu’une hâte : celle de voir grandir la rayonnante Frankie Corio et s’épanouir la carrière de Paul Mescal.

 

Critique rédigée par Margot Costa de Cineverse.fr

BIOGRAPHIE : ERNST LUBITSCH

 

BIOGRAPHIE : ERNST LUBITSCH

7 février 2023

Sérénade à trois

Même 70 ou 80 ans plus tard, impossible de résister à l’humour de ce réalisateur d’origine allemande devenu un Maître d’Hollywood !
 
Né en 1892 à Berlin, Ernst Lubitsch est le fils d’un tailleur réputé qui n’arrivera pas à faire de lui son successeur dans le magasin qu’il possède dans la capitale allemande. Il fait tout de même de son fils un comptable et c’est la nuit que le futur réalisateur à succès exerce sa passion du théâtre, découverte pendant ses études. D’abord comédien dans une troupe, il découvre le cinéma l’année de ses 21 ans et s’y frotte uniquement parce que ça paye mieux que les planches. Le 7ème art allemand fait très vite de lui un comique phare, à l’instar d’un Max Linder en France ou d’un Harold Lloyd aux Etats-Unis.
 
Devant la pauvreté des scénarios alors tournés, le jeune acteur finit par endosser également les rôles de scénariste puis de réalisateur. Il met alors un terme à sa carrière d’interprète et les succès s’enchaînent que cela soit avec des comédies ou des drames. Sa réputation franchit l’Atlantique et la grande actrice Mary Pickford, pionnière d’Hollywood, le fait venir à Los Angeles pour qu’il la dirige dans « Rosita ».
 
A 30 ans, c’est une nouvelle nation qu’il découvre mais le triomphe est le même. Le cinéaste expatrié réussit même le passage du muet au parlant avec « Parade d’amour » qui sera nommé 6 fois aux Oscars – qui n’en sont qu’à leur 3ème cérémonie – dont Meilleur Film, réalisateur et acteur pour Maurice Chevalier. En 1935, les Nazis lui retire sa nationalité allemande mais la même année, il devient le directeur des studios Paramount, immense honneur fait à un réalisateur même si il ne gardera cette fonction qu’un an.
 
Les 10 années qui suivent, il enchaîne les chefs d’œuvre : des comédies avec les plus grandes stars de l’époque mais qui ne s’interdisent pas d’évoquer les préoccupations les plus sombres de ces temps troublés comme les régimes nazis et communistes ou encore le chômage. N’ayant jamais gagné d’Oscar malgré 3 nominations, celui qui est devenu Américain en reçoit un honorifique en 1947, quelques mois avant de décéder brutalement d’une crise cardiaque sur le tournage de son dernier film à seulement 55 ans.
 
Aujourd’hui encore, le nom d’Ernst Lubitsch reste associé au meilleur de la comédie américaine de tous les temps, preuve que le talent est immortel !

Critique rédigée par Simon Chevalier

CRITIQUE : BABYLON

 

CRITIQUE : BABYLON

31 JANVIER 2023

Babylon

À l’image de Whiplash, Babylon de Damien Chazelle laisse dans un état quasi-fiévreux. Des jours après la projection, la musique enivrante de Justin Hurwitz, les personnages pathétiques et l’atmosphère poisseuse collent encore à la peau. Le signe d’un immense film qui marquera, assurément, la rétine des spectateurs.

 

Babylon raconte l’histoire de six protagonistes très différents mais à l’objectif commun : devenir une star et rester au sommet. Prenant pour modèle le cinéma des années 1920, Damien Chazelle met en scène les carcans sans pitié de l’époque. Acteur en bout de course, comédienne libre et féroce qu’on cherche à faire entrer dans un moule ou trompettiste de génie en pleine crise existentielle, Babylon vous mènera dans les recoins les plus sombres d’une industrie qui oscille entre rêve et cauchemar.

 

Bienvenue en enfer

Dès les premières minutes du film, Damien Chazelle donne le ton. On assiste à l’ascension chaotique d’un éléphant, tracté à l’aide d’une remorque à cheval. Une lubie exigée par Don Wallach (Jeff Garlin), magnat d’Hollywood, qui a pour habitude d’accueillir les soirées les plus folles de la côte Ouest. Absurdité et décadence sont d’emblée présentées comme le fil rouge de Babylon. Éminemment stressé par la situation, le pachyderme largue alors un jet monumental de matières fécales. Un relâchement qui couvre littéralement de merde la caméra et donc les téléspectateurs. Vous êtes les bienvenus !

Une fois passées les portes du manoir, c’est l’euphorie. La cocaïne coule à flot, certains invités se livrent au plaisir de la chair alors que d’autres dansent comme si leur vie en dépendait. F. Scott Fitzgerald et son Gatsby peuvent bien aller se rhabiller, Chazelle est dans la place. Mise en scène de façon gargantuesque, cette soirée de débauche est accompagnée par la musique survoltée de Justin Hurwitz, compositeur qui suit le réalisateur depuis ses débuts (Guy and Madeline on a Park Bench, Whiplash, La La Land et First Man).

Un film choral avec des tripes

En une seule et même séquence, Damien Chazelle parvient, malgré le chaos ambiant, à nous introduire chaque personnage de façon subtile et limpide. On fait ainsi la rencontre fracassante de Nellie LaRoy, incarnée par une Margot Robbie viscérale (et très certainement en bonne voie pour les Oscars). Coup du hasard ou destinée, la jeune femme va se faire repérer au cours de la soirée et jouer son premier rôle dès le lendemain. Jack Conrad (Brad Pitt), lui, est un acteur au sommet de sa gloire mais à la vie sentimentale pathétique. Autres personnages capitaux : Manny Torres (Diego Calva), un jeune homme d’origine mexicaine, qui à force de zèle parviendra à gravir les échelons, ainsi que le génial trompettiste Sidney Palmer (Jovan Adepo), l’un des rares à conserver son intégrité face à la machine Hollywood.

Malgré le profil antipathique des personnages – alcooliques, accro à la drogue ou aux jeux d’argent pour la plupart -, leur manière d’être et les dialogues leur insufflent une humanité touchante. La force de Babylon et des films de Damien Chazelle de façon générale est cette capacité à provoquer une émotion à chaque scène et à créer une véritable alchimie de casting. On retrouve le montage quasiment animal de Whiplash, mais également une touche de lyrisme, cette fois exploitée dans La La Land. Et on peut dire que le mélange est réussi puisque les rencontres se font sans accroc, telles des coups du destin.

Sommet de la gloire, début de la fin ?

Après s’être intéressé à la quête sans relâche du succès dans Whiplash, Damien Chazelle se demande que faire une fois qu’on a atteint la notoriété et cette reconnaissance tant désirée. Dans Babylon, le réalisateur lâche les chevaux et poursuit sa réflexion. Comment rester au sommet et conserver l’amour d’un public sans cesse attiré par la nouveauté ? Une pensée qui semble autant hanter le cinéaste américain que ses personnages, comme Jack Conrad, acteur star du cinéma muet des années 1920, qui assiste impuissant à son propre déclin.

La quête de gloire pose ainsi de nombreuses questions. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour conserver l’amour du public ? Faut-il se renier et se fondre dans la masse ? Faut-il aller contre son ressenti, ses émotions ? Ces questionnements sont magistralement retranscrits dans une scène où le personnage de Margot Robbie doit se contraindre à adopter les manières et les références culturelles de la classe bourgeoise. Le but : modifier l’image de femme grossière et rebelle qui lui colle à la peau. Une séquence qui n’est pas sans rappeler la performance d’Audrey Hepburn dans My Fair Lady ou celle Jean Hagan dans Chantons sous la pluie, auquel Damien Chazelle fait de nombreux clins d’œil au cours du film.

Babylon, c’est 3h10 qui passent à 1000 à l’heure, des scènes déjà cultes et un casting magistral. C’est toute la crasse de la nature humaine placée sous la lentille hollywoodienne. Babylon, c’est aussi Margot Robbie, qui crève (encore) l’écran. Toujours très impliquée dans ses rôles et n’hésitant jamais à s’enlaidir ou à jouer les marginales, comme c’était le cas dans Harley Quinn, Marie Stuart, Reine d’Écosse ou Moi, Tonya. L’Australienne de 32 ans a une fois de plus marqué la pellicule, qu’elle se fasse mordre le cou par un crotale ou qu’elle danse sur un bar à la manière d’une Brigitte Bardot sous ecstasy.

Ici, Damien Chazelle nous dévoile sa vision déterministe (et assez pessimiste) de l’humanité. Que ce soit à travers les personnages de Brad Pitt, Margot Robbie ou Diego Calva, aucun ne semble avoir de véritable emprise sur ce qui leur arrive. Impuissants, ils se laissent porter par le flot bouillonnant de la vie. Le spectateur, groggy, peine à trouver une lueur d’espoir dans ce monde plein de violences. Si Babylon a tout pour devenir un chef d’œuvre volontairement chaotique, on espère que Damien Chazelle parviendra à trouver un cinéma plus apaisé, pour son bien-être et… le nôtre.

 

Critique rédigée par Amandine Sanchez de Cineverse.fr

INTERVIEW : SABRINA LEVOYE ET TEÏLO AZAÏS

 

INTERVIEW : SABRINA LEVOYE ET TEÏLO AZAÏS

17 JANVIER 2023

16 ans

Décrit comme le Roméo et Juliette moderne, avec sa romance impossible, 16 ans sort en salles le 4 janvier 2023. En avant première, nous avons eu la chance de rencontrer ses deux acteurs principaux : Sabrina Levoye et Teïlo Azaïs. Jeunes révélations dans le paysage cinématographique français, ils nous ont partagé avec tendresse leur expérience sur le nouveau film de Philippe Lioret.

 

« J’ai pas eu l’impression de parler comme une adulte. J’avais vraiment l’impression de parler à ma propre façon. »

 

Vous présentez aujourd’hui le film 16 ans, réalisé par Philippe Lioret. Connu pour Welcome ou Je vais bien ne t’en fais pas, il a pour réputation d’être assez pointilleux, précis,… est-ce que ça s’est déroulé ainsi sur le tournage ?

SL : Philippe sait ce qu’il veut, il faut l’écouter attentivement, tu peux pas chahuter pendant le tournage. Il faut apprendre son texte par cœur, à la virgule près, car il y a aucune improvisation lorsque la caméra tourne. En revanche, il est extrêmement bienveillant. Si quelque chose ne va pas, on peut prendre le temps d’en discuter avec lui.

Vos personnages et vous, avez a peu près le même âge. Avez-vous eu l’occasion de donner des avis/conseils à Philippe sur l’écriture des protagonistes ?

TA : Quand on a tourné, on avait l’âge des personnages du film. Philippe met du temps à écrire son scénario… et comme il sait ce qu’il veut, c’est très difficile de le modifier. En lui expliquant bien pourquoi, on a réussi à lui faire changer quelques mots mais c’était assez strict.

SL : Mais au final, l’écriture du scénario était super claire. J’ai pas eu l’impression de parler comme une adulte. J’avais vraiment l’impression de parler à ma propre façon.

Sabrina Levoye, c’est votre premier rôle. C’était un casting difficile ? Pouvez vous nous en parler ?

SL : J’ai passé un casting en tombant sur une affichette. Il s’est super bien passé, la directrice de casting m’a vraiment mise à l’aise. On a beaucoup parlé avant de faire les scènes, ce qui m’a apaisée. J’ai eu la réponse quatre mois plus tard à cause du Covid. Je pensais que c’était mort, que je n’avais pas le rôle, qu’on n’allait jamais me rappeler.

Et vous Teïlo Azaïs ?

TA : Le casting s’est fait en deux phases. Une première sans Philippe, mais seulement avec la directrice de casting, où il fallait déjà apprendre les textes par cœur (chose inhabituelle dans les castings). Et la seconde phase était chez Philippe, pour les call back, où on était avec sa caméra et lui pour qu’il se rende compte de ce que ça donnait à l’écran. Et on a enchaîné avec deux mois de préparation.

 

« La coupure du Covid, c’est comme si on avait tourné deux fois le film. »

 

Et finalement, le tournage a duré combien de temps ?

SL : Le film devait se tourner en 6 semaines mais à cause du covid on a fait 3 semaines – 3 mois de pause – et 3 semaines.

C’était pas trop dur, cette coupure, pour se remettre dans le bain au retour ?

SL : Si… forcément tu perds un peu l’habitude. Le personnage peut te réhabituer, te replonger dans les enjeux du film.

TA : C’est comme si on avait tourné deux fois le film.

Teïlo vous avez conseillé Sabrina sur ses débuts, sur votre acting,… ?

TA : Non, non. Je crois que j’ai pas eu besoin.

SL : Oh si quand même. Moi, je me suis beaucoup rattachée à lui parce qu’il avait déjà joué. Quand je stressais, j’allais le voir. Quand j’étais pas bien, j’allais le voir. Je posais tout le temps des questions sur mon jeu et il me rassurait. Je savais que je pouvais m’appuyer sur toi.

 

« Philippe nous avait donné trois mots d’ordre : la tension, l’intensité et le mouvement. »

 

Le film a un rythme particulier, tout monte en crescendo…

TA : C’est ça en fait. Philippe nous avait donné trois mots d’ordre : la tension, l’intensité et le mouvement.

SL : C’est un film qui est constamment en mouvement. Même sur le tournage on était vraiment dans la tension et l’intensité et ça nous aidait à garder le rythme. C’était pas du stress, mais ça nous aidait à trouver la puissance nécessaire.

Justement, on parle de tension. Mais entre vous les relations sont assez douces, tandis qu’avec tous les autres personnages il y a du conflit constamment. Comment vous avez réussi à mettre ça en place avec les autres acteurs ? C’était comment sur le tournage ?

SL : Sur le tournage, tout le monde était super gentil et bienveillant. Je me reposais sur Teïlo mais également beaucoup sur Nassim hors du tournage. On était vraiment dans la scène, dans nos personnages. On lisait ce qui se passait avant et après pour s’imprégner de la tension du récit, pour trouver les bonnes émotions.

TA : Oui puis les répétitions ont servi à ça aussi. On avait répété avec tout le monde donc on savait exactement quoi faire et à quel moment. Ça allait vite, on était tous prêts. Il voulait qu’on amène une part de nous, et à force de travailler le texte sortait de nous. Il y avait pas de modifications, on faisait et c’était tout.

Et la première fois que vous avez vu le film, ça vous a fait quoi ?

SL : La première fois, je me regardais plus moi : ma tête, ma voix,… ça m’insupportait. Tu fais attention à tout. Mais la seconde fois, j’étais plus plongée dans le film et je n’avais plus l’impression que c’était moi qui jouais, j’étais à fond dedans, au point de sursauter et pleurer.

TA : C’est toujours pareil, j’ai l’impression que je joue mal. Mais là c’est la première fois que j’arrive à me mettre dans le film, et ça m’a fait plaisir de m’y voir. J’ai arrêté de me dire que j’aurai pu faire mieux et j’ai apprécié le film.

 

Entretien réalisé par Margot Costa de cineverse.fr

CRITIQUE : FUMER FAIT TOUSSER

 

CRITIQUE : FUMER FAIT TOUSSER

13 DÉCEMBRE 2022

Fumer fait tousser

Fume avant que la vie te fume

Quentin Dupieux ne mégote pas : Après la bromance Farrelly-enne (Mandibules), la fable Benjamin-Button-esque (Incroyable mais vrai), le facétieux démiurge sort son troisième long-métrage en deux ans. Fumer fait tousser ressuscite le format désuet du film à sketchs, et l’agrémente de Bioman et d’existentialisme. Rien que ça.

« Dieu est un fumeur de Gitanes » lancent Deneuve et Gainsbourg au générique, et instantanément les plus de quarante ans se téléportent : Fumer fait tousser sentira bon les années 80, Récré A2 et le tabac froid. La photo douce et solaire (comme dans Mandibules) accompagne les yeux du spectateur nostalgique, qui observe de sa rétine amusée, les combats de nos cinq chevaliers en lycra contre des kaijus de série Z, à grand renfort d’effets gores outranciers. A un verre de Cacolac près, on s’y croirait.

Moitié hommes, moitiés mégots, les Tabac-Force n’ont pourtant rien de vraisemblable. Dans cette France alternative, aussi éternellement giscardienne que gentiment ringarde, ils incarnent des super-héros lisses et politiquement corrects, attentifs à toutes les types de discriminations. Ils combattent le tabagisme, seule menace véritable de leur univers, et gagnent systématiquement. C’est une époque d’insouciance où « Fumer c’est nul, ça fait tousser » tel que prévient benoitement Lellouche.

Alors, entre deux missions et des bouts de scénarios qui semblent naviguer à vue, nos alter-mégots s’amusent à se raconter des histoires horrifiques au coin du feu, comme dans un épisode de Chair de Poule. Leurs récits forment des scénettes à l’intérêt aussi inégal que leur longueur et qui n’ont, semble-t-il, rien en commun si ce n’est leur absurdité et leur noirceur. Tout ceci semble bien fumeux, du moins au premier abord – le temps que ces personnages de fiction prennent peu à peu conscience de leur (irr)éalité.

Fumer fait tousser prend un tour écologiste inattendu, façon C(L)OP21, alors que les histoires les plus effrayantes sont récitées. Surtout, celle narrée par une fillette, sorte de Greta Thunberg perdue dans les bois, à propos d’une pollution de la rivière par des effluents toxiques ; ou encore celle racontée par un poisson (!), qui sera ironiquement cuit par Gilles Lellouche avant de pouvoir achever son récit ; ou bien enfin, celle relayée par Chef Didier himself, dévoilant que Lézardin (Benoit Poelvoorde, quelque part entre Dark Vador et son Monsieur Manatane) avait décidé depuis son étoile noire « d’achever la Terre, cette planète où les gens sont fous ».

Le vertige existentialiste, hérité des cinémas de Bunuel ou de Blier, est bien sûr une constante systématique dans le cinéma de Dupieux. Mais il se double ici d’une thématique écologiste, qui s’invite dans sa filmographie pour la seconde fois, dans la roue de l’horrifique Rubber en 2010. Pour les Tabac-Force, c’est la minute Don’t look up,  une révélation dont le choc remet en cause l’ensemble de leur existence. L’heure est au « changement d’époque en cours » et il faudrait remonter au temps où tout était encore sauvable. Le temps où l’on pouvait fumer en toute innocence, peut-être… Fumer fait tousser devient bizarrement contemplatif, et clopin-clopant, observe l’apocalypse en cours.

Nostalgique, Dupieux ? Assurément, et peut-être même un peu réac’, tant Fumer fait tousser semble crier « C’était mieux avant » à plein poumons. Mais il se révèle tout aussi émouvant, par surprise – comme savait l’être Incroyable mais vrai – quand nos héros grillent une dernière clope à la lueur d’un nouveau matin. La cigarette, objet cinématographique mythique, passée entre les doigts des cow-boys, des femmes fatales ou bien de James Bond, est devenue quelque peu taboue sur nos écrans de cinéma. Elle trouve ici une nouvelle iconisation candide, sans penser au cancer ou à la censure qui rodent.

Quentin Dupieux sort de sa tabatière un genre cinématographique enfantin et kitsch (les super-sentai), porté par un dispositif baroque et désuet (le film à sketchs), pour mettre en lumière une menace bien actuelle. Plus inquiétant qu’il n’est drôle, plus allégorique que concret, Fumer fait tousser déstabilise inévitablement par ses ruptures de tons, de genres et de temporalités. Mais derrière l’absurdité désespérée de son scénario, il raconte avec d’autant plus de férocité une autre absurdité : celle d’un monde qui brûle sa planète.

 

Critique rédigée par Raphaël Casale de Cinéverse.fr

 

CRITIQUE : LES MIENS

 

CRITIQUE : LES MIENS

29 NOVEMBRE 2022

Les Miens

Synopsis : Moussa a toujours été doux, altruiste et présent pour sa famille. Un jour Moussa chute et se cogne violemment la tête. Il souffre d’un traumatisme crânien. Méconnaissable, il parle désormais sans filtre et balance à ses proches leurs quatre vérités.

Il n’est jamais trop tard pour se lancer, et Roschdy Zem en est la preuve. Après avoir dévoilé ses talents d’acteur, le comédien livre un discours intimiste sur les relations familiales, avec ses moments de tendresse comme ses non-dits. Offrant une grande liberté à son casting, le lien qui les unie transperce l’écran, livrant alors un discours universel où chacun peut trouver sa place.

 

Mini-critique rédigée par Margot Costa de cineverse.fr

INTERVIEW : TARIK SALEH

 

INTERVIEW : TARIK SALEH

16 NOVEMBRE 2022

Après Le Caire confidentiel, un thriller policier situé dans la temporalité du soulèvement de la place Tahrir en 2011, La conspiration du Caire prend place de nos jours, sous la dictature du maréchal Sissi, et montre les luttes de pouvoir entre le politique et le religieux, la Sûreté de l’État et l’université islamique Al-Azhar. Dans ce film d’espionnage qui sonne comme un hommage aux œuvres paranoïaques des années 60 et 70, Tarik Saleh fait évidemment naître plus de questions qu’il n’offre de réponses. Voici au moins celles aux quelques questions que nous avons pu lui poser.

CINEVERSE : Avec Le Caire confidentiel et La conspiration du Caire, vous construisez une sorte de saga sur la politique égyptienne, du soulèvement de 2011 à la situation sous le maréchal Sissi de nos jours. Est-ce quelque chose que vous prévoyez d’explorer à nouveau dans vos prochains films ? 

TARIK SALEH : Oui. Je travaille toujours avec 3 scripts prêts, et l’un d’eux est toujours lié à la politique égyptienne. Je m’intéresse au conflit en réalité et fiction. Je viens du journalisme et du film documentaire, où l’on nous dit toujours de travailler sur la vérité, alors qu’en réalité on cherche surtout à raconter une bonne histoire. 

Je commence toujours avec une histoire mythologique, une sorte de contes de fées. Dans La conspiration du Caire, c’est l’histoire d’un jeune homme qui à lui tout seul change le destin de l’université Al-Azhar. C’est après avoir fait ça que je me pose les questions de réalisme et de politique. Et en Égypte, c’est très difficile.

C : Maintenant que vous avez couvert les évènements de 2011 et la dictature de Sissi, on se demande ce qu’il reste à traiter sur l’Égypte. Quel serait votre prochain projet sur ce sujet ? 

TR : Il me reste à faire le plus gros d’entre tous. Je ne peux vous en parler pour le moment, mais il y a toujours de quoi dire, car l’appareil politique est omniprésent. Il existe néanmoins une troisième institution à traiter, en plus du religieux et du politique. Je vous laisse deviner (rires) ! Les gens n’y pensent pas, mais c’était un peu la même chose avec Al-Azhar qui est très opaque, puis on l’a fait.

C : Vous avez dans La conspiration du Caire un style de mise en scène assez paradoxal. Pour résumer, plus une scène est calme, plus l’ambiance devient paranoïaque. Nous avons ressenti une inspiration des grands films américains paranos des années 70, comme Les trois jours du Condor de Pollack, Conversation secrète de Coppola ou À cause d’un assassinat de Pakula. Ces films et cette ère vous ont-ils inspiré ? 

TR : Vous avez raison, mais il faut aussi penser à ceux dont ces réalisateurs se sont eux-mêmes inspirés. Je remonterais à Jean-Pierre Melville et Gillo Pontecorvo, car ils étaient encore plus libres dans leur manière de traiter la paranoïa. La bataille d’Alger m’a beaucoup inspiré par exemple, de même que le début du Cercle rouge. En voyant ces œuvres, j’avais le sentiment que c’était plus que des films. Je suis content que vous ayez noté cela, car je voulais aussi utiliser ce storytelling calme, pour instiller encore plus de tension. 

Par exemple, mon film est très lumineux. Et c’est presque plus effrayant et parano quand vous voyez tout ce qu’il se passe à l’écran. Avec Le Caire confidentiel, je m’inspirais plus clairement du film noir, jusque dans sa structure. Avec La conspiration du Caire, nous avons filmé avec un seul objectif, pour que l’audience ressente véritablement l’échelle des choses et rendre le film uniformément tendu, ce qui est impossible si vous changez constamment d’objectif.

C : L’une des choses que nous avons apprécié dans le film est votre représentation honnête et vraie de l’islam et de ses pratiques. C’est toujours dérangeant de voir l’islam dans les films américains par exemple, car tout y est mélangé et rien ne sonne vrai. C’était important pour vous de faire cela dans La conspiration du Caire ? 

TR : J’ai le même sentiment que vous. Je suis content d’avoir fait ce film maintenant, à mes 50 ans. Quand j’étais jeune, j’étais en colère en voyant la manière dont l’islam était montré dans les films occidentaux. Mais plus je mûris, plus je deviens pragmatique. Dans mon film, je ne me suis pas dit que j’allais « défendre » l’islam, mais juste montrer cette religion pour ce qu’elle est, telle qu’elle est pratiquée. En Suède par exemple, la plupart de nos soi-disant experts en islam en connaissent moins que mes enfants ! Alors que voulez-vous faire… 

Je me suis donc dit que j’allais faire le film que j’aurais envie de voir. Je voulais faire un film authentique. En Égypte, vous naissez musulman. Le véritable choix, au fond, est de ne plus l’être si c’est ce que vous voulez ! C’est pourquoi La conspiration du Caire n’est ni une défense ni un soutien. Je voulais montrer ma propre vision, mon propre amour pour certains aspects spirituels de l’islam, comme le partage, la récitation du Coran, la calligraphie, le ramadan, le débat, l’ouverture d’esprit, etc. En tant que père, en Europe où nous avons tant d’intolérance.

C : Fares Fares, l’un des deux acteurs principaux (qui joue Ibrahim et qui était déjà dans Le Caire confidentiel, ndlr) est libanais. Comment avez-vous travaillé avec lui pour qu’il adopte un accent égyptien ? 

TR : Fares Fares est un excellent acteur. Il a eu un professeur pour l’aider à adopter l’accent égyptien. Il a vraiment galéré à l’acquérir, mais il a réussi, comme vous pouvez le voir dans le film.

C : Connaissez-vous Josef Fares (le frère de Fares Fares, développeur de jeux vidéo dont It takes two, jeu de l’année 2021, ndlr), et seriez-vous intéressé par une collaboration avec lui, dans le jeu vidéo ou le cinéma ? 

TR : Josef Fares est un génie. C’est un obsédé de jeu vidéo. Si le jeu vidéo était l’islam, il serait salafiste ! Il prend ces choses tellement à cœur. Mais il est tellement talentueux, et aussi tellement riche ; il n’a pas besoin de moi. Je vous donne une anecdote : il travaillait sur A way out (jeu vidéo) en 2016 pendant que je faisais des reshoots du Caire confidentiel. Je devais tourner à nouveau une scène où Fares Fares se fait tabasser. Et c’était un peu cher de le faire, donc j’ai appelé Josef Fares au lieu de me payer un coordinateur de cascades ! 

Au départ, Josef avait refusé. Mais quand je lui ai dit qu’il pourrait tabasser son frère dans un parking… il est venu en courant (rires) ! À la fin, revoyez Le Caire confidentiel, vous verrez que c’est bien lui. 

 

Entretien réalisé par Yacine Ouali de Cineverse.fr

CRITIQUE : LA CONSPIRATION DU CAIRE

 

CRITIQUE : LA CONSPIRATION DU CAIRE

16 NOVEMBRE 2022

La Conspiration du Caire
La Conspiration du Caire de Tarik Saleh :
Cabale masquée à la mosquée

 

Hommage aux films paranoïaques des années 60 et 70, La conspiration du Caire est un thriller d’espionnage efficace, servi par une grande maîtrise du rythme et du suspense. Lauréat du prix du scénario au Festival de Cannes, Tarik Saleh y poursuit sa radiographie de la société égyptienne, entre politique, religion et corruption.

Accepté dans la prestigieuse université islamique Al-Azhar, le jeune Adam fait la fierté de son père et de son village. Mais à peine la rentrée passée, le grand imam de l’université meurt et une guerre de succession s’engage, à la fois entre les hauts membres de l’organisation et sous l’influence du pouvoir égyptien, qui cherche à asseoir son autorité sur la dernière section de la société égyptienne qui lui échappe encore. Au cœur de ses machinations se trouve Adam, sur lequel dépendra le destin d’Al Azhar et de son indépendance. 

La paranoïa à tous les étages 

Dans l’Égypte du maréchal Sissi, toute velléité politique est verrouillée. Le seul pouvoir qui lui échappe encore un tant soit peu est le religieux, drapé dans la parole inattaquable et indépassable de Dieu – même pour une dictature. Après le genre policier de Le Caire confidentiel (2017), Tarik Saleh choisit de s’aventurer dans le domaine quelque peu désuet du film d’espionnage. 

Entre Al Azhar et la Sûreté de l’État, la succession du grand imam de l’université est un enjeu crucial. Sans pouvoir influencer ouvertement le processus, le pouvoir égyptien, qui normalement contrôle tout, se retrouve dépendant des étudiants qu’il parvient à recruter. Après l’imprudent Zizo, c’est le jeune Adam qui se retrouve dans cette situation, obligé de suivre les ordres pour ne pas mettre en danger sa famille. Il noue alors une relation avec l’agent Ibrahim, interprété par le génial Fares Fares, dans un jeu de dupes qui ne finira par bénéficier, comme à chaque fois, qu’aux mêmes personnes : celles qui détiennent le pouvoir. 

Dans cet ensemble d’éléments a priori opaques, Tarik Saleh réussit à dépouiller son film avec un sens de l’économie de la mise en scène à saluer. Dans La conspiration du Caire, ni la capitale, ni l’université Al-Azhar ne servent de décors majestueux. Au contraire, le film déroule une succession de couloirs et de pièces étouffantes, dans lesquels l’avenir d’une nation se joue à l’abri des regards. Dans la droite lignée des grandes œuvres paranoïaques françaises, italiennes et américaines des années 1960 et 1970, on sent dans La conspiration du Caire une volonté d’aller à l’essentiel, c’est-à-dire aux interactions entre les personnages. Peu importe le cadre ici, car tout se joue dans les regards, les non-dits et les mensonges. 

On pense ainsi à des films comme Le cercle rouge de Melville, Les trois jours du Condor de Pollack ou encore Conversation secrète de Coppola comme références émérites. Dans ces œuvres comme chez Tarik Saleh, le rythme est volontairement ralenti pour faire naître la tension et le suspense. La caméra, au plus près des visages, scrute leurs moindres inflexions et laisse au spectateur le loisir d’y imprimer sa propre compréhension. Car au fond, même si le film de Tarik Saleh est plus évident dans son scénario que ceux précités, il s’inscrit néanmoins dans leur lignée, à la fois paranoïaque et résignée. 

Un film résolument arabe 

Dans le cinéma occidental, le monde arabe est toujours représenté avec une certaine maladresse, et une claire méconnaissance des enjeux. C’est en partie ce que Tarik Saleh cherche à corriger avec La conspiration du Caire. Tout, des pratiques de la religion musulmane aux enjeux des personnages (inimitiés entre les courants religieux, Frères musulmans, importance capitale de l’exemplarité jusque dans la vie privée), est arabe et ne cherche pas à s’ouvrir plus que cela au monde. 

Cela se remarque par exemple dans la manière dont l’islam est représenté (fidèlement donc), ainsi que dans la mise en scène des rouages de l’espionnage égyptien. Loin des clichés de la CIA et même de la bureaucratie du Bureau des légendes, la sûreté égyptienne est avant tout une affaire d’hommes, qui décident seuls de la marche à suivre dans un vaste jeu de confiance envers leurs inférieurs et de déférence teintée de peur pour leurs supérieurs. Ainsi, si l’on peut au départ reprocher au scénario de La conspiration du Caire d’être cousu de fil blanc, il n’en demeure pas moins qu’il montre fidèlement la réalité des dictatures arabes : loin des doutes de l’Amérique de Coppola, le pouvoir égyptien est écrasant et n’hésite pas à montrer ses muscles À la fin, ceux qui comme Adam ont le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment finissent, toujours, par perdre.

Dans l’Égypte de Sissi, il faut se résigner ou mourir. Même l’université Al-Azhar, cœur du pouvoir religieux, finit par s’y plier. C’est là toute la qualité du film de Tarik Saleh, qui parvient à instiller ce sentiment éminemment cynique. Dans une dictature, il ne faut faire confiance à personne. Et parfois, revenir à ses racines et mettre son ambition de côté est la meilleure manière de survivre.

Critique rédigée par Yacine Ouali de Cineverse.fr

CRITIQUE : L'INNOCENT

 

CRITIQUE : L’INNOCENT

25 OCTOBRE 2022

L'Innocent
Pour son quatrième long-métrage en tant que réalisateur, l’acteur Louis Garrel

réussit le mélange parfait entre humour et suspense.

Jeune veuf trentenaire, Abel est le fils de Sylvie, une ancienne actrice qui donne des cours de théâtre en prison. Elle y rencontre et y épouse Michel malgré la réticence de son fils. Quand le nouveau marié retrouve la liberté, l’inquiétude d’Abel ne fait que s’accentuer…

Fils du réalisateur « expérimental » Philippe Garrel, Louis a commencé sa carrière en tant qu’acteur dans le cinéma art et essai. Après avoir beaucoup tourné sous la direction de son père, de Christophe Honoré ou encore de Valéria Bruni-Tedeschi – qui fut sa compagne -, il se lance dans la mise en scène avec des longs-métrages remarqués par la critique.

Aujourd’hui, il signe peut-être son film le plus ouvert au grand public, accompagné d’une BO issue des années 80 très bien utilisée et qui donne la pêche. Dans cette comédie policière, le cinéaste donne lui-même la réplique à des acteurs particulièrement mis en valeur : on y découvre une Noémie Merlant hilarante, on y retrouve le talent d’Anouk Grinberg – qui fut une fidèle de Bertrand Blier dans les années 90 avec 3 nominations aux Césars à la clé – et un Roschdy Zem toujours impeccable. Enfin, le scénario est un bijou d’équilibre entre émotion, humour et suspense et porte un message plus profond qu’il n’y paraît de prime abord.

Par Simon Chevalier

CRITIQUE : TORI ET LOKITA

 

CRITIQUE : TORI ET LOKITA

18 OCTOBRE 2022

Tori et Lokita

Tori et Lokita, raconte l’histoire de deux jeunes migrants africains, arrivés en Belgique.

Pour obtenir leurs papiers d’identité, ils vont devoir répondre à de nombreuses questions, étant mineurs. Rien n’aboutit après leurs nombreux entretiens.

Le lien qui unit ces deux adolescents est fraternel, il se démènent comme ils peuvent, pour s’échapper d’un engrenage hostile. Esclavage, asservissement sexuel, traffic de drogue, ils subissent les traitements d’individus mal intentionnés, sans jamais perdre l’espoir de s’en sortir, ensemble.

Trois ans après « Le jeune Ahmed », les frères Dardenne dénoncent les injustices de la politique d’immigration.

Le film, ancré dans une fibre sociale et humaniste, est porté par les performances attachantes des deux jeunes acteurs.Tori et Lokita a reçu cette année, le prix du 75ème festival de Cannes.

 

Par Sandrine Monteiro

BIOGRAPHIE : KLAUS KINSKI

 

BIOGRAPHIE : KLAUS KINSKI

11 OCTOBRE 2022

Réputé ingérable mais tellement charismatique, cet acteur allemand a marqué le Cinéma des années 60 et 70, notamment en incarnant un Comte Dracula mythique.

 

S’il est difficile de faire la différence entre la réalité et la légende que Klaus Kinski a forgée autour de son parcours, nous savons qu’il est né en 1926 et qu’il a fait ses premiers pas sur les planches dans un camp de prisonniers en Angleterre à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Une fois libéré, il continue sa carrière naissante dans son pays et joue deux pièces de Jean Cocteau dont “La Voix Humaine”, étonnant quand on sait qu’il s’agit du monologue d’un personnage féminin.

A partir de 1950, il devient un acteur de cinéma, tournant dans de nombreux pays grâce à sa maîtrise des langues étrangères. Il construit une filmographie inégale car son cachet et la durée du tournage sont des arguments qui l’emportent sur la qualité des œuvres au moment de choisir ses futurs rôles. Sa rencontre avec le réalisateur Werner Herzog dans les années 1970 lui apporte enfin la consécration même si leurs collaborations sont émaillées de difficultés relationnelles. Ils tourneront 5 films ensemble dont “Aguirre, la colère de Dieu” et “Nosferatu, fantôme de la nuit”. Francophone, l’acteur multiplie les tournages dans l’Hexagone avec des metteurs en scène comme Serge Moati ou Georges Lautner.

Au moment de son décès en 1991 à l’âge de 65 ans d’une crise cardiaque, il laisse 3 enfants acteurs et une filmographie disparate faite de westerns, films de guerre, d’horreur ou érotiques : un parcours unique pour une personnalité aussi clivante que fascinante.

 

Simon Chevalier

BIOGRAPHIE : FAY WRAY

 

BIOGRAPHIE :

FAY WRAY

28 SEPTEMBRE 2022

Qui était l’actrice qui a marqué le Cinéma en étant la première partenaire d’un gorille géant ?

Vina Fay Wray naît en 1907 au Canada mais grandit à Los Angeles où ses parents se sont installés. Très tôt, elle profite des vacances scolaires pour faire de la radio et de la figuration dans des films muets, notamment avec le célèbre duo Laurel et Hardy. A la fin des années 20, elle décroche ses premiers rôles importants grâce au réalisateur Erich von Stroheim que les Français connaissent mieux en tant qu’acteur dans « La Grande Illusion » de Jean Renoir.

 Sa rencontre avec le duo de metteurs en scène Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper lui ouvre les portes du Fantastique et, en 1933, elle rentre dans l’Histoire du 7ème art en étant le premier rôle féminin du mythique « King Kong ». Cette année-là, elle tourne jusqu’à 11 films mais, victime de stéréotypes, elle ne peut donner la pleine mesure de son talent. Après une décennie éprouvante, elle se retire du petit monde hollywoodien pour se consacrer à sa vie de famille.

Mais sa carrière n’est pas finie et elle fait son retour sur les écrans dans les années 1950 en côtoyant une nouvelle génération de partenaires comme Lauren Bacall ou Leslie Nielsen. Elle s’essaie aussi à la télévision dans les premières séries notamment celle d’Alfred Hitchcock. Elle prendra sa retraite en 1958 avant de publier ses Mémoires 30 ans plus tard.

En 2004, Peter Jackson lui propose d’apparaître dans son remake de « King Kong » et la vieille dame de 96 ans accepte avec plaisir. Malheureusement, le destin la privera de cet ultime rôle car elle décède 1 mois avant le début du tournage.


Simon Chevalier

ENTRETIEN AVEC : SAEED ROUSTAEE

 

ENTRETIEN AVEC SAEED ROUSTAEE

13 SEPTEMBRE 2022

Avant la sortie de son chef-d’œuvre Leila et ses frères, nous avons eu l’honneur d’interviewer le réalisateur iranien Saeed Roustaee, qui commence à bénéficier d’une belle reconnaissance dans le monde occidental. Après la claque La loi de Téhéran, thriller implacable sur le monde de la drogue et des violences policières, Leila et ses frères dépeint les déboires économiques d’une famille sans le sou et étouffée par les sanctions internationales, à l’image de son pays. Vrai grand film, comme le dit notre critique, l’œuvre de Saeed Roustaee fait évidemment naître plusieurs questions, que nous avons posées à Saeed Roustaee (interview réalisée avec les médias La revue Tsounami et Double-Croche).

Avec Leila et ses frères, vous vous essayez au genre très difficile de la fresque familiale. Quelles ont été vos inspirations pour le scénario ? En voyant le film, on pense à Rocco et ses frères, au Parrain 2 de Coppola et même à Asghar Farhadi avec des films comme Le client ou Une séparation.

SAEED ROUSTAEE : J’adore Rocco et ses frères. On peut évidemment faire un rapprochement avec Le Parrain à travers l’histoire des parrains dans mon film. Après, pour ce qu’il s’agit de films comme Le client, la filiation est moins évidente car j’ai écrit mon scénario avant sa sortie. En réalité, le cinéma iranien est un continuum. Nous avons une histoire très importante, ce qui n’est pas le cas dans tout le Moyen-Orient. La culture que nous avons, à travers des cinéastes extrêmement connus, des films qui se font remarquer tous les ans… tout cela forme un continuum dont je suis ni le début, ni la fin.

Vous avez réalisé deux films avant celui-ci, Life and a day (2016) et La loi de Téhéran (2019). Leila et ses frères commence par une scène de grande ampleur qui peut faire penser à La loi de Téhéran, avant de se recentrer sur le drame familial des Jourablou, qui se rapproche plus de Life and a day. Comment situez-vous Leila et ses frères dans votre filmographie ? Y a-t-il des liens, ou vos films sont-ils tous différents ?

SR : En Iran, on découvre tous les grands films sur internet (rires). Mon genre de cinéma préféré se rapproche plus de mon premier film et de celui-ci que de La loi de Téhéran. Mais même ce dernier est un film familial, je ne suis pas tout à fait d’accord avec les qualificatifs qu’on lui a apposé. Personnellement, je n’ai pas réfléchi mes films comme une suite logique. Mais malgré tout, avant même mon premier film, je savais que mes 3 premiers films allaient être ceux qui sont sortis. Après, si on veut vraiment parler de label, je ne me sens pas concerné. J’écris surtout des histoires qui me parlent, et c’est ce qui me guide. Pendant le tournage de Leila et ses frères, je demandais à mes acteurs de ne pas penser à Life and a day, pas dans le sens où les références en étaient interdites, mais pour éviter qu’ils ne le voient trop comme une source d’inspiration obligatoire.

Nous avons notamment apprécié deux scènes : celle du mariage où certains frères dansent pendant que l’un d’eux prend connaissance d’une information cruciale, que nous mettons en comparaison avec la scène finale, dans laquelle le processus, entre danse et prise d’information, se répète. Comment avez-vous travaillé ces deux scènes-ci ? De même, comment avez-vous travaillé votre film sur la durée (2h45), avec des scènes qui s’étirent sans ennuyer ?

SR : J’aime cette question (rires). Il est vrai que les deux séquences se répondent. Dans la scène du mariage, tout le monde danse avec le père sauf Alireza (le personnage qui prend connaissance de l’information qui change le cours du film, ndlr), qui finit tout de même par danser pour lui dans la dernière scène. C’est comme ça que ces scènes ont été construites, en miroir. En ce qui concerne la durée, je ne veux pas que l’on me dicte combien de temps doit durer mon film. Au cinéma, soit on est sérieux, soit on veut se divertir. La longueur peut être un prix à payer. Leila et ses frères n’est pas long pour être long, c’est plutôt le temps dont j’avais besoin pour transmettre l’essence de mon histoire.

Vous allez peut-être encore refuser la filiation, mais on a senti du Delon et du Pacino dans la manière dont Taraneh Alidoosti interprète Leila, en étant tour à tour émouvante, forte et désarmante. C’est même la seule qui se permet aussi de vrais moments d’émotion, d’espoir. C’est quasiment le seul personnage qui passe par toutes les émotions, alors que les autres acteurs sont plus monolithiques, incarnant avant tout une émotion unique plutôt qu’un éventail de sentiments. Comment l’avez-vous dirigée pour obtenir cet équilibre ?

SR : On ne peut pas vraiment dire que les autres personnages soient unidimensionnels. On montre évidemment plus Leila dans le film, mais les autres ne peuvent pas être monolithiques, et eux aussi passent par toutes les émotions. L’individu est la somme de toutes ses contradictions. Concernant Taraneh, on s’est rencontrés il y a longtemps, quand j’étais encore à l’université et qu’elle était déjà une star. Je lui ai envoyé un scénario qu’elle a apprécié, et on se connaît depuis. Je lui ai reparlé pour Leila et ses frères et elle s’est montrée directement enthousiaste, d’autant plus que j’ai écrit le rôle pour elle. C’est une actrice intelligente, avec une belle force de caractère. On discute beaucoup, elle s’implique énormément dans son travail, et plusieurs de ses idées ont été incorporées dans le film. Par exemple, la scène où Leila dit leurs quatre vérités à ses frères, Taraneh s’est mise à pleurer alors que ce n’était pas dans le scénario, et ça s’est intégré naturellement.

Le personnage de Leila tient d’ailleurs un discours plutôt radical, allant jusqu’à remettre en cause l’éducation de ses parents. On peut même y voir un propos féministe et politique. Cela a-t-il constitué une part importante dans votre travail de création du personnage ?

SR : On ne peut pas séparer société et politique. Quand on fait un film social, on fait un film politique. C’est cela d’ailleurs qui me pose problème en Iran, mon film y étant interdit de projection. Je ne préfère pas rentrer dans ce genre d’analyses. Ce que je peux dire sur Leila, c’est qu’elle prend du recul, de la distance. Les gens qui en prennent réfléchissent mieux et prennent les meilleures décisions.

Dans le film, la famille se réunit autour de matchs de catch, et les frères portent des t-shirts Nike contrefaits. À d’autres moments, on peut voir des t-shirts de Rocky et Superman. De l’autre côté, le film repose beaucoup sur les sanctions économiques américaines. Était-ce volontaire de montrer cette incompréhension entre un Iran fasciné par la culture américaine, et des États-Unis qui ne font que le sanctionner ?

SR : Je ne le vois pas trop comme cela. Ce n’est une question d’affection ou de mépris. L’histoire du catch parle du faux et du vrai. Tout est question de la mise en scène et de la réalité, des scènes du catch à celle du mariage. Le sujet des sanctions américaines apparaît dans le film car c’est le quotidien des iraniens, dont la situation évolue de jour en jour, heure par heure, comme le montre la variation du niveau des prix. On ne peut pas s’en défaire. Leila et ses frères cherche à faire la radiographie de la société iranienne plus que parler vraiment des États-Unis.

Entretien réalisé par Yacine Ouali de Cineverse.fr

CRITIQUE : TOUT LE MONDE AIME JEANNE

 

CRITIQUE : TOUT LE MONDE AIME JEANNE

13 SEPTEMBRE 2022

« C’est déjà fini ?! » Rares sont les films qui nous attendrissent au point de ne plus vouloir sortir de la salle. Avec son premier long métrage, Tout le monde aime Jeanne, Céline Devaux nous rappelle que nous ne sommes pas seuls et que les petites voix dans nos têtes seront toujours à nos côtés. Mêlant ses talents d’illustratrice et de dialoguiste, la réalisatrice nous offre une comédie moderne et pétillante.

Sous un faux air de femme à succès, Jeanne est en chute libre depuis l’échec de son projet professionnel. Dans sa descente aux enfers, elle rencontre par hasard un homme au prénom assez similaire, Jean, semblant tout droit sortie d’un livre de fantasy.

Les salles de cinéma se font un rafraîchissement pour la rentrée avec l’aide de jeunes réalisatrices françaises. Alice Winocour avec Revoir Paris, Léa Mysius avec Les Cinq Diables et donc Céline Devaux. Trois metteuses en scènes déjà présentes sur la Croisette en mai dernier. Trois films, aux trois rôles principaux offerts à des actrices en plein essor avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos et Blanche Gardin en tête d’affiche. Le défi n’étant pas de chercher une vedette mais de sortir ces grands noms de leur zone de confort.

Son parcours est déjà flamboyant. Avec trois courts métrages et un long métrage, Céline Devaux a déjà foulé les tapis d’Angers, de Cannes, des Césars mais aussi de Venise, ne repartant jamais les mains vides. Avec sa comédie moderne, Devaux révèle une Blanche Gardin sous un nouveau jour et lui offre une tournure tragico-comique. Une façon de replacer l’humour au cœur de la femme tout en sortant l’homme de ses codes de virilité. La réalisatrice réussit, avec une grande tendresse, à partager un point de vue moderne sur les angoisses du quotidien. En cela, elle s’inspire d’un des plus illustres réalisateurs français, confie-t-elle :

« Dans « On connaît la chanson », Alain Resnais avait une générosité de mise en scène qui transmettait autant la joie que la perte de la joie. A la fin, on est en empathie avec des gens qui vont très mal mais sans même s’en rendre compte – Céline Devaux »

Cette insouciance des personnages autant féminins que masculins, nous fait tomber sous leur charme. Le film se rattache à une part d’enfance ancrée en nous, qui fait face au monde d’adulte rempli d’angoisses.

« Elle sait exprimer des choses avec un changement de regard très subtil. Elle a offert une sobriété de jeu inouïe pour ce personnage […] Il fallait réussir à mettre en place de l’humour pour servir une histoire grave avec des personnages tendres. La méchanceté ne devait pas être le moteur de l’humour. »

L’autre personnage principal, celui de Laurent Lafitte, sert autant au spectateur qu’à la protagoniste en venant éveiller la part de folie éteinte en nous. Le duo GardinLafitte (dys)fonctionne ainsi, grâce à leur maladresse, qui crée un déséquilibre bancal et comique. La réalisatrice prend le parti de ne pas trop en dévoiler sur ce personnage masculin, laissant alors plus de place à l’imagination et l’identification du public. Jeanne sort de son pays, de son quotidien autant que le spectateur lui-même. Avec prudence, nous l’accompagnons alors dans sa dépression et sa découverte de Lisbonne.

« Ce qui m’intéressait le plus, c’était de raconter la honte. Comment on fait pour continuer à vivre, à communiquer… en faisant avec les voix dans nos têtes qui sont assez inarrêtables pour certains d’entre nous. […] Je voulais rétablir cette expérience de « je suis en train de te parler, je me demande si j’ai un truc entre les dents, en même temps je pense à ma maman que j’ai oublié de rappeler… » Cette multiplicité de l’expérience qu’on ne peut pas vraiment montrer au cinéma. »

La modernité du film ne s’arrête pas à des personnages et dialogues bien écrits. Là où de nombreux films viendront briser le quatrième mur avec une voix-off ou un coup de regard, Céline Devaux vient piquer nos émotions en nous plongeant dans la tête de Jeanne à l’aide d’animations. Les milliers de voix intérieures de Jeanne prendront alors la forme d’un fantôme insupportable.

Alors oui, Tout le monde aime Jeanne au final. Pour sa maladresse, pour ses idées noires, pour son indépendance, pour sa fragilité… Le film redonne sa juste valeur à l’humour de la femme, à l’animation, à la tendresse de l’homme. Il est temps de laisser place aux jeunes réalisatrices, engagées et brillantes. Une fois encore, le cinéma français n’est pas mort, Céline Devaux vient en éveiller toute la joie, la vie.

Critique rédigée par Margo Costa de Cineverse.fr

CRITIQUE : LA VÉRITÉ

 

CRITIQUE : LA VÉRITÉ

14 JUIN 2022

S’il est un film de Brigitte Bardot à retenir de sa carrière de 47 œuvres, c’est bien « La Vérité ». Mais que de souffrances dut-elle endurer pour aboutir à ce chef d’œuvre !

En 1960, le sex-symbol Brigitte Bardot vit une période difficile dans sa vie privée. Mariée depuis un an avec Jacques Charrier, elle vient d’accoucher de leur fils. En proie au Baby-Blues, elle accepte quand même de tourner avec Henri-Georges Clouzot, un grand cinéaste mais connu comme étant très dur envers ses actrices. Celui-ci lui propose le rôle d’une jeune femme accusée du meurtre de son ancien amant dans « La Vérité ».

Si l’actrice trouve du réconfort auprès de son partenaire Sami Frey pour qui elle quittera son mari, elle vit un véritable enfer avec son metteur en scène. En effet, pour la mettre en conditions et obtenir ce qu’il veut, c’est à dire une femme à bout de nerfs, il n’hésite pas à la maltraiter physiquement et à la torturer psychologiquement en se servant de la grande fragilité de la star. Le pire est atteint quand il la met en danger en lui faisant « réellement » jouer une scène de suicide. Pour cela, il lui propose un verre d’eau et une aspirine mais lui donne en réalité de l’alcool et des barbituriques. L’effet recherché est obtenu : comme son personnage, Brigitte Bardot sombre dans le coma pendant 72 heures.

A sa sortie, le film est un succès considérable : il est vu par près de 6 Millions de spectateurs et représente la France aux Oscars. 29 ans après et alors que sa carrière d’actrice est loin derrière elle, Brigitte Bardot dira : « Je me moque de ma carrière, sauf « La Vérité ». S’il doit rester une seule trace de mon passage sur les écrans, je souhaite que ce soit dans ce film où, pendant et après, j’ai conscience d’avoir été une vraie comédienne ».


Simon Chevalier

CRITIQUE : LA RUCHE

 

CRITIQUE : LA RUCHE

14 JUIN 2022

Coup de tonnerre au Sundance Festival pour son édition 2021 ! Pour la première fois, un film remporte seul les trois prix de la catégorie internationale : meilleur film, prix de la mise en scène et prix du public. Le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux, la réalisatrice kosovare Blerta Basholli apprend que son premier film La Ruche a largement séduit le jury comme le public. Largement inspiré d’une histoire vraie, la cinéaste prouve d’emblée au monde la justesse de son cinéma et la rigueur d’écriture dont elle a su s’emparer pour restituer le récit d’une région oubliée.
Depuis la guerre du Kosovo, le mari de Fahrije a disparu. Pour garder la tête hors de l’eau et pallier les problèmes financiers de sa famille, elle fonde une petite entreprise agricole. Mais dans ce petit village traditionnel, les ambitions de la mère de famille et des autres femmes sont plutôt mal perçues. Fahrije s’engage dans une lutte pour faire vivre sa famille et réussir à s’émanciper des mœurs patriarcales des hommes du village.

La mélancolie de l’image
Premier film et premier tableau accompli pour la réalisatrice Blerta Basholli et son directeur photo Alex Bloom. Le récit pose ses valises dans le Kosovo du début du siècle, dans une ambiance calme et austère. On plonge le spectateur dans le silence du quotidien d’une famille en pleine campagne kosovare. La force de cette ouverture, pourtant si calme, réside dans le rythme que la cinéaste va imposer. Si la première scène – où Fahrije recherche son mari – peut laisser croire que le récit commence, la dynamique se brise quand elle est de retour chez elle. Au travail de la maison, comme à la douche de son beau-père, tout se fait dans un silence glacial ou par de courtes phrases banales. En moins de cinq minutes, la réalisatrice pose le cadre. Nous sommes dans une famille déchirée, accablée par des problèmes au quotidien.

Quand on transmet un sentiment par l’image, on peut s’y prendre de plusieurs manières. Le rythme, le cadre, la mise en scène ou la photographie ne sont que des exemples. Sur ce dernier point, La Ruche adopte un style bien particulier. Les couleurs froides sont choisies pour ancrer le récit dans un ton dur et réaliste. Toute vie devient trop âpre pour être fantasmée, trop froide pour être rêvée. Le spectateur est, malgré lui, traîné de force dans les difficultés que rencontre cette famille. La caméra épaule va, tout le récit, appuyer ce sentiment de compassion à l’égard de notre protagoniste et de sa famille. Et l’audience se plonger dans cet univers, aux couleurs de la mélancolie d’une vie que nous n’avons pas vécue… 
 
Un combat éternel
La vivacité des sentiments envers notre protagoniste se crée d’une manière relativement classique : elle est seule contre tous. Blerta Basholli fait du sujet de son film un outil de représentation universelle. Elle illustre sans artifice ce que le patriarcat produit de plus courant et de plus banalisé. On nous présente le regard masculin comme un frein aux ambitions et aux projets nécessaires à la simple survie d’une famille. Magnifiquement interprété par Yllka Gashi, le personnage de Fahrije lutte pour monter sa petite affaire artisanale et pour obtenir son permis de conduire. Les nombreux gros plans pris de trois-quarts insistent et mettent en lumière des jeux de regards d’une grande intensité. Déterminée, Fahrije ne se laisse jamais abattre. S’il est difficile d’imaginer les pensées qui vagabondent dans son esprit tout au long du film, on ressent un amour total de la cinéaste pour son personnage.

L’une des forces de La Ruche réside également dans le poids de l’ombre du mari disparu, qui hante la famille. Fahrije, bien que profondément marquée par cette disparition, est la première à tenter de s’en affranchir. La justesse du propos couplée aux interactions entre les personnages crée un déchirement émotionnel palpable, qui nous accompagne tout au long du film. Une réflexion sur le deuil et le pragmatisme qui reflète avec assez de poigne et d’honnêteté le cinéma que sa réalisatrice souhaite proposer – un aspect intéressant qu’il sera bon d’observer dans la suite de sa carrière.

La Ruche, dans sa démarche quasi journalistique, s’impose comme un premier film d’une belle technique. Elle met en lumière les dérives et les questionnements d’une société meurtrie par la guerre et ses conséquences. Non sans subtilité, c’est un sous-texte plus moderne qui se glisse dans le récit, et révèle des comportements et des mentalités qui ne devraient pas avoir lieu d’être, mais qui n’auront de cesse de détruire des avenirs et des vies.

Josselin Colnot de cineverse.fr

CRITIQUE : CŒURS VAILLANTS

 

CRITIQUE : CŒURS VAILLANTS

24 MAI 2022

Notre coup de cœur de la dernière semaine de mai est attribué à Coeurs Vaillants de Mona Achache. C’est une réalisatrice que vous avez pu découvrir à travers Le Hérisson en 2009, et Les Gazelles en 2014 et dans lequel on pouvait trouver un casting flamboyant (Audrey Fleurot, Camille Chamoux, Franck Gastambide, Samuel Benchetrit, Josiane Balasko, Camille Cottin, et David Marsais et Grégoire Ludig du Palmashow). Mais vous la connaissez sûrement mieux pour ces contributions à la télévision en étant la réalisatrice de Accusé qui a été diffusé sur France 2, ou encore HPI (haut potentiel intellectuel) avec Audrey Fleurot et diffusé sur TF1.

Cœurs Vaillants, c’est l’histoire de 6 enfants juifs qui ont été cachés pendant la guerre dans le château et le parc du domaine de Chambord, dans la région Centre-Val de Loire. Dit comme ça, on pourrait croire qu’il va s’agir d’un film qui se déroule presque en huis clos dans ce château, avec des moments d’angoisse avec la venue de soldats allemands tentant de les débusquer. Mais, la surprise du film vient du fait que Mona Achache nous emmène plutôt du côté de cette forêt où ses enfants sont forcés de fuir, se cacher et de construire une vie, seuls. On a parfois l’impression qu’il s’agit d’une adaptation de Peter Pan délocalisée dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale tant on a l’impression qu’ils sont libres, et jeunes pour toujours. 

Pravine Barady

BIOGRAPHIE : FRANÇOIS TRUFFAUT

 

BIOGRAPHIE : FRANÇOIS TRUFFAUT

24 MAI 2022

Figure majeure de la Nouvelle Vague et du cinéma français, François Truffaut a marqué l’histoire avec des films inventifs et novateurs, devenus aujourd’hui cultes. À l’occasion du 35ème anniversaire de notre Cinéma, nous organisons un cycle pour voir ou revoir les grands classiques du cinéaste.

François Truffaut est né en 1932 à Paris. Il a vécu une enfance perturbée par l’absence de ses parents. Rapidement, il se désintéresse des enseignements scolaires et fait l’école buissonnière. Au lieu de suivre ses cours, il passe la plupart de ses journées à lire ou à aller voir des films dans les salles obscures. On raconte qu’il collectionnait des coupures de presse sur ses réalisateurs favoris, volées dans les cinémas. À la fin de l’adolescence, il enchaîne plusieurs travaux mais sombre dans la petite délinquance. Il est ensuite arrêté puis interné plusieurs fois pour souffrances psychiques. Désormais adulte, il s’engage dans l’armée pour combattre en Indochine mais regrette son choix et déserte.

André Bazin, qu’il rencontre dans un ciné-club auquel il participait, décide de le prendre sous son aile. À 21 ans, il intègre la rédaction des Cahiers du Cinéma. Il obtient rapidement une notoriété, considéré comme un jeune rebel aux idées novatrices. En 1954, son article “Une certaine tendance du cinéma français” devient l’un des manifestes de la Nouvelle Vague.

Après deux courts métrages, il réalise à 27 ans son premier film Les 400 coups (1959). Il s’inspire de sa propre enfance et crée le personnage autobiographique Antoine Doinel qui fait découvrir l’acteur Jean-Pierre Léaud. Pendant 20 ans, François Truffaut poursuivra le portrait de cet éternel adolescent, avec Antoine et Colette (1961), Baisers volés (1968), Domicile conjugal (1970) et L’Amour en fuite (1978). Salué par la critique et récompensé à Cannes par le prix de la mise en Scène, Les 400 coups est un véritable succès, autant dans le milieu du cinéma que pour le grand public. Il enregistre trois millions six cent mille entrées. Le film participe à l’émergence de la Nouvelle Vague, mouvement qui bouleverse les codes du cinéma français, dont François Truffaut est considéré comme un des maîtres, aux côtés de grands noms comme Jean-Luc Godard et Claude Chabrol.

 

Fort de son succès, François Truffaut signe dès l’année suivante son deuxième long-métrage, Tirez sur le pianiste (1960). C’est avec ce film que le cinéaste commence son exploration des genres. Il propose de la science-fiction avec Fahrenheit 451 (1966), du fantastique avec La Chambre verte (1978) ou encore un film historique avec L’Histoire d’Adèle H. (1975) C’est aussi avec ce film qu’il signe sa première adaptation littéraire. Il tourne ensuite l’incontournable Jules et Jim avec Jeanne Moreau en 1962.

 

Cinq ans après, il réalise La Mariée était en noir (1967) et La Sirène du Mississipi (1968), d’après les œuvres de l’écrivain William Irish. Deux histoires d’amour et de folie réalisées sous le prisme du genre policier. Les années 70 marquent l’avènement des films de la Nouvelle Vague. Les long-métrages de François Truffaut trouvent un écho populaire. Il multiplie les projets et il passe même devant la caméra dans Rencontre du troisième type de Steven Spielberg en 1978. Il réalise son dernier film Vivement dimanche ! en 1982 avant de mourir prématurément en 1984 à l’âge de 52 ans.

Leslie Fernandez

CRITIQUE : LA BALLADE DE NARAYAMA

 

CRITIQUE : LA BALLADE DE NARAYAMA

19 avril 2022

L’INVITÉ DE LA GAZETTE, EN PARTENARIAT AVEC CINEVERSE

La Ballade de Narayama (Palme d’or 1983), réalisée par Shôhei Imamura, ici dans sa version restaurée, raconte l’histoire d’un village de montagne reculé où la rareté de la nourriture conduit la petite population s’agrandissant à une politique acceptée de tous dans laquelle les parents portent des membres de la famille de 70 ans à mourir dans la montagne de Narayama.

Le film se construit autour de cette « tradition » qui peut sembler radicale, voire abusive mais qui, dans ce village où la famine règne, semble normale pour ses habitants, un village où les mort-nés pourrissent dans les champs pour faire l’engrais. Il n’y a pas que la famine mais aussi la violence sexuelle et la saleté qui viennent ajouter à ce tableau réaliste d’Imamura une grande puissance naturaliste.

Le réalisateur vient ici fouiller et disséquer ses personnages pour montrer toute leur animalité découlant de la pression sociale, à l’image de la famille de voleurs qui va être sujet au jugement du village et être ensuite éliminée, tuée et enterrée vivante dans la froideur la plus totale. Scène aux consonances horrifiques dont la puissance est décuplée par le fait qu’Imamura dépeint durant tout le film le quotidien des villageois de façon anthropologique voire ethnographique, la caméra se plaçant dans un point de vue où nous sommes témoins des pratiques du village et le contraste entre la vie tranquille, quotidienne et ce genre d’actes qui en décuple donc la puissance de ces derniers.

Les amants s’entrelacent dans les feuilles, à même la terre comme deux serpents s’enroulant l’un autour de l’autre. Imamura refait sortir cette animalité aussi par le montage intégrant des plans d’animaux en pleine action imités symboliquement par les personnages. Tantôt l’accouplement donc, tantôt le serpent mangeant la souris, représentant le plus fort ne laissant aucune chance au plus faible.

Ici l’humain n’est pas malin, il est borné, bourru, sadique et soumis à ses pulsions autant sexuelles à l’image du « puant » en constante recherche de rapports sexuels. Chaque personnage suit une quête qui lui est propre. La grand-mère Orin veut monter en haut de la montagne pour accomplir cette tradition de survie et pour cela elle va jusqu’à se briser les dents elle-même sur le rebords d’un puits. Mais avant cela, elle veut trouver une femme pour son fils Tatsuhei, qui, quant à lui, veut à tout prix éviter de ressembler à son père.

Dans une séquence finale dans laquelle ce dernier emmène sa mère Orin au mont Narayama dans une totale absence de dialogues, on ressent tout le poids du monde qui entoure les personnages, tant par le village, que par les responsabilités et par la nature. Toute l’ascension se pose ici comme une catharsis silencieuse mettant à nu le fils et sa mère.

Imamura nous propose un tableau de l’humain dans sa nature brute. Il est un animal cruel qui chasse pour sa survie et son propre plaisir sadique. Il tend à se reproduire et à éliminer les menaces qui pèsent sur « sa meute ». Mais il est surtout naïf par ses croyances, fasciné par un flocon de neige signe de la pureté qui lui semble inatteignable.

Raphaël Eyssautier

BIOGRAPHIE : CHRISTIAN CLAVIER

 

BIOGRAPHIE : CHRISTIAN CLAVIER

26 avril 2022

Retour sur la carrière exceptionnelle du maître de la comédie française au cinéma alors qu’il s’apprête à souffler ses 70 bougies.

Si le jeune Christian a un lien avec le cinéma grâce à son oncle maternel Yves Rousset-Rouard qui est le producteur du sulfureux “Emmanuelle” de Just Jaeckin, tout commence pour lui au collège quand il rencontre un certain Gérard Jugnot. Puis, son chemin croisera ceux de Thierry Lhermitte et Michel Blanc. Ensemble, ils créent la troupe du Splendid sur scène en 1974 avec le soutien financier de son oncle. Parallèlement, il apparaît sur grand écran dans de petits rôles sous la direction de Jacques Doillon ou Bertrand Tavernier. Sa troupe débarque au cinéma entre 1978 et 1982 avec les films cultes “Les Bronzés” de Patrice Leconte et “Le Père Noël est une ordure” de Jean-Marie Poiré. 

L’entente avec ce dernier est telle qu’ils feront 10 films ensemble, le réalisateur ne faisant pas un film sans sa star, le plus souvent également scénariste, pendant 20 ans. Tous deux pulvérisent le box-office en 1993 avec “Les Visiteurs” qui totalisent près de 14 millions de spectateurs. L’acteur est, pour l’unique fois, nommé aux Césars. Une suite sortira en 1998 et Christian Clavier devient l’acteur comique numéro 1 occupant, dans le cœur du public, l’espace laissé libre par Louis de Funès depuis son décès 10 ans plus tôt. On pense donc à lui pour rejoindre le casting prestigieux de “Astérix et Obélix contre César” de Claude Zidi dans le rôle du petit gaulois moustachu. C’est un succès annuel mais le record des Visiteurs sera battu seulement par le deuxième film de la franchise réalisé par Alain Chabat en 2002 : “Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre”.

Après 10 ans au sommet, l’acteur enchaîne ensuite plusieurs échecs et il faudra le retour de toute la troupe du Splendid dans “Les Bronzés 3 : Amis pour la vie” du fidèle Patrice Leconte en 2006 pour qu’il tutoie de nouveau le sommet du box-office avec plus de 10 millions de spectateurs. Son incursion dans le registre dramatique ou dans la réalisation avec “On ne choisit pas sa famille” en 2011 ne convainquent pas le public qui s’est trouvé de nouvelles idoles. 

Il reste néanmoins une référence et est sollicité par la nouvelle génération. Il joue ainsi aux côtés de Kev Adams ou devant les caméras de Philippe Lacheau et Alexandre Astier. Sa carrière compte un nouveau film au succès record : “Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?” totalise 12,3 millions d’entrées en 2014. Depuis, il est apparu dans des œuvres aux fortunes diverses sans jamais perdre le rythme – jusqu’à 4 par an.

Qu’il nous fasse rire ou qu’il nous agace et malgré une absence de récompenses prestigieuses, on ne peut pas nier l’importance de Christian Clavier dans notre cinéma et les chiffres le prouvent : il est le seul dans toute l’histoire à pouvoir se targuer d’avoir à son palmarès 4 films qui ont dépassé les 10 millions d’entrées !

Simon Chevalier

BIOGRAPHIE : ANOUK AIMÉE

 

BIOGRAPHIE : ANOUK AIMÉE

19 avril 2022

Celle qui fut une immense star du 7ème art dans les années 1960 va fêter dans quelques jours ses 90 ans. L’occasion de se rappeler les plus beaux moments d’une carrière sans frontières.

Née Nicole Dreyfus de parents comédiens, la future actrice grandit à Paris mais doit rapidement partir en Province pendant la Seconde Guerre Mondiale. Premier changement de patronyme : pour se protéger, elle prend son deuxième prénom et le nom de jeune fille de sa mère et devient François Durand. A la fin du conflit, elle est repérée pour sa beauté et débute au cinéma à seulement 14 ans sous le regard de Marcel Carné. Elle adopte alors son nom de scène définitif en choisissant le prénom de son premier personnage interprété à l’écran et c’est le grand poète et scénariste Jacques Prévert qui lui conseille d’y ajouter le qualificatif « aimée ».

Après avoir étudié l’art dramatique mais également la danse, elle enchaîne les collaborations avec les plus grands comme les réalisateurs Julien Duvivier et Jacques Becker ou l’acteur Gérard Philipe. Elle voit débuter le cinéaste Jean-Pierre Mocky en participant à son premier film. Très vite, elle est sollicitée aussi en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Italie. Elle est au casting de 2 immenses succès de Federico Fellini : « La dolce vita » -Palme d’Or au Festival de Cannes en 1960- et « Huit et demi » -Oscar du meilleur film étranger en 1964. Puis, nouvelle Palme d’Or avec ce qui restera le rôle le plus marquant de sa riche carrière, celui d’Anne Gauthier dans « Un homme et une femme » de Claude Lelouch. Le film est un triomphe dans le monde entier, elle décroche une nomination aux Oscars et commence à travailler à Hollywood. Elle sera toujours fidèle à Claude Lelouch et reprendra le même rôle dans les deux suites qui sortiront en 1986 et en 2019.

Après des années 1970 pauvres en projets, elle attaque la nouvelle décennie en fanfare en remportant le Prix d’interprétation cannois en 1980 pour « Le saut dans le vide » de Marco Bellocchio. Se partageant toujours de chaque côté des Alpes, elle travaille souvent avec les mêmes cinéastes au fur et à mesure des années. Si elle recevra un César d’Honneur en 2002 et cumule près de 80 films, elle reste pour beaucoup l’image de la femme amoureuse des années 60, symbole de cette époque entre romantisme et Dolce Vita.

Simon Chevalier

CRITIQUE : EN CORPS

 

CRITIQUE : EN CORPS

5 avril 2022

Le réalisateur de « L’auberge espagnole » nous fait partager son amour de la danse dans ce long-métrage joyeux et dynamique.

Ce soir, la danseuse Elise Gautier est l’héroïne d’un ballet au Théâtre du Châtelet. Mais, juste avant d’entrer en scène, elle découvre l’infidélité de l’homme qu’elle aime. Sous le choc, elle danse mais se blesse gravement et doit envisager une vie privée de sa passion. Commence alors pour elle une période de remise en cause dans laquelle elle va rencontrer nombre de personnages qui vont l’aider à se (re)trouver…

En 2020, pendant le confinement, Cédric Klapisch a consacré un documentaire aux danseurs de l’Opéra de Paris intitulé « Dire merci ». Aujourd’hui, il exprime son amour pour la danse, aussi bien classique que contemporaine, dans ce film qui voit naître une actrice : Marion Barbeau incarne brillamment cette jeune femme obligée de trouver un nouveau chemin de vie. A ses côtés, toute une galerie de personnages plus attachants les uns que les autres. De la bienveillante Muriel Robin au père taiseux Denis Podalydès en passant par François Civil et son nouveau look ainsi que le très drôle Pio Marmaï, ils se mettent tous au service de cette belle histoire.

Avec ce 14ème long-métrage, Cédric Klapisch confirme son talent pour écrire et réaliser des comédies fédératrices qui vous font voir la vie en couleur. On parie que vous aurez très envie d’esquisser quelques pas de danse en sortant de « En corps ».

Simon Chevalier

CRITIQUE : LES AFFAMEURS

 

CRITIQUE : LES AFFAMEURS

30 mars 2022

Il y a 70 ans, sortait ce western qui réunissait un grand cinéaste américain du genre et l’un des plus grands acteurs du 7ème art.

En 1952, le réalisateur Anthony Mann célèbre ses 10 ans de carrière derrière la caméra après une petite expérience d’acteur. Il aura réalisé pas moins de 23 films durant cette décennie. Il a commencé les années 50 en se lançant dans le genre du western dont il devient une figure aux côtés de John Ford et Henry Hathaway. Après “La porte du diable” qui, incroyable pour l’époque, prend parti pour les indiens et “Winchester ‘73” pour lequel il collabore avec une vieille connaissance, “Les Affameurs” est son premier film en Technicolor.

En 1952, James Stewart est déjà un immense acteur – oscarisé en 1941 pour “Indiscrétions” – doublé d’un héros de guerre car il est un pilote qui s’est engagé au moment de la Seconde Guerre Mondiale. Il a tourné pour Alfred Hitchcock ou Cecil B De Mille et surtout pour Franck Capra : il est le héros de l’œuvre culte “La vie est belle” en 1946. Il connaît Anthony Mann depuis 1934 et leurs débuts communs au théâtre. C’est l’acteur qui propose le nom de son ami au studio Universal pour réaliser “Winchester ‘73”. Après le succès de ce premier film en commun, ils entament tous deux une série de 5 westerns jusqu’en 1955.

Deuxième long-métrage du duo, “Les affameurs” récolte 3 millions de dollars de recettes pour le plus grand plaisir de son acteur principal qui avait négocié un intéressement aux recettes du film en échange d’un salaire réduit. Pour la postérité, ce film est considéré comme l’un des meilleurs westerns de l’histoire du cinéma.

Simon Chevalier

CRITIQUE : À PLEIN TEMPS

 

CRITIQUE : À PLEIN TEMPS

15 mars 2022

L’actrice Laure Calamy, césarisée en 2021 pour sa performance dans Antoinette dans les Cévennes incarne avec brio une mère désemparée dans À Plein temps d’Eric Gravel.

Quand Julie obtient enfin un entretien pour un poste correspondant à ses aspirations, une grève générale éclate, paralysant les transports. Célibataire, maman de deux enfants, dans la précarité, jonglant entre son travail dans un palace parisien et ses entretiens… À première vue, et en se fiant à la mise en scène dynamique, tout porte à croire qu’il s’agit d’un compte à rebours avant qu’elle n’explose.

Eric Gravel replonge les franciliens vivants dans la grande banlieue parisienne dans les angoisses des grèves des transports en commun de 2020, une époque a priori révolue mais qui reste néanmoins d’actualité au vu de la ponctualité et des pannes des RER chaque jour. À Plein temps est un film social qui déploie ses ailes et prend tout son sens grâce au suspense permanent intrinsèquement lié à chaque action de la vie du personnage : arrivera-t-elle à l’heure ? Parviendra-t-elle à faire garder ses enfants ? Ses paiements par carte seront-ils acceptés ? Derrière la fiction se cache une représentation du quotidien et des interrogations des français. 

À un mois du premier tour des présidentielles, le film fait résonance à la question du pouvoir d’achat et de l’emploi en France. Un diplômé sur quatre d’un bac +5 en 2019 cherchait encore un emploi en janvier 2021. C’est dur d’être un jeune diplômé, alors imaginez une femme célibataire avec deux enfants. Comme pour marquer un contraste social fort entre son travail (femme de chambre) et son lieu de travail (un palace parisien), des parallèles se font également entre ses qualifications (un bac + 5) et son travail. Julie devient alors une poupée russe qui cherche tant bien que mal à désemboiter et à isoler ses problèmes.

C’est dans un rythme effréné que le spectateur suit les péripéties de la vie de Julie, et heureusement pour elle (et pour nous), tout est bien qui finit bien… Ou presque ? 

Pravine Barady

BIOGRAPHIE : LAURE CALAMY

 

BIOGRAPHIE : LAURE CALAMY

15 mars 2022

Comment cette fille de médecins est-elle devenue l’une des actrices les plus attachantes de sa génération ? Retour sur les 20 premières années d’une carrière encore prometteuse…

Née en 1975, Laure Calamy étudie l’art dramatique après avoir obtenu son baccalauréat. Diplômée du Conservatoire, elle fait ses premiers pas à l’écran en 2001 sous la direction de Philippe Garrel. Multipliant les courts et les moyens métrages, elle est remarquée dans 2 d’entre eux : Un monde sans femmes de Guillaume Brac et La contre-allée de Cécile Ducrocq, ce dernier lui offrant même le Prix d’interprétation d’un des plus prestigieux Festivals américains, celui de Sundance.

Si c’est via la télévision qu’elle devient célèbre, elle interprète nombre de seconds rôles au cinéma avec un pic en 2017 où elle est à l’affiche de 5 longs-métrages. Cette prolifique activité démontre son talent et, logiquement, elle est nominée pour le César de la Meilleure actrice dans un second rôle en 2018 pour Ava de Léa Mysius. Deux ans plus tard, elle est le rayon de soleil de la comédie Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal qui offre un véritable bol d’air au cinéma français entre 2 confinements. S’ensuit une première nomination au César de la Meilleure actrice pour cette œuvre, trophée qu’elle remporte.

Aujourd’hui, elle est l’héroïne de À plein temps d’Éric Gravel, un thriller du quotidien autour d’une femme qui se bat chaque jour avec son difficile quotidien. Une nouvelle interprétation remarquable au palmarès de cette actrice aussi talentueuse que sympathique.

Simon Chevalier

CRITIQUE : ILS SONT VIVANTS

 

CRITIQUE : ILS SONT VIVANTS

8 mars 2022

Béatrice vit avec son fils et sa mère. Sa rencontre avec un migrant et son engagement qui vont suivre vont bouleverser son quotidien et ses convictions…

Deux ans après la baby-sitter psychopathe dépeinte dans Chanson Douce, Jérémie Elkaïm s’intéresse à l’immigration avec son nouveau long-métrage intitulé Ils sont vivants. Officiellement démantelée en 2016, la « jungle » de Calais accueillait chaque année un grand nombre de migrants qui y résidaient temporairement le temps de rejoindre clandestinement le Royaume-Uni. C’est le cas de Mokhtar (Seear Kohi), enseignant iranien cherchant plus que tout à rejoindre l’Angleterre, qui croise la route de Béatrice, l’héroïne du film (interprétée par Marina Foïs) et l’autrice du roman autobiographique Calais mon amour, paru en 2017.

« Marine, tu sais ce soir ça va mal… »

Il faudra seulement quelques instants aux spectateurs pour comprendre la vie et le quotidien morose de Béatrice. Elle fait face à la mort de son mari, travaille en tant qu’infirmière dans le service gériatrique et semble détester sa vie. On en retient immédiatement une protagoniste peu empathique et dont on pourrait se passer. D’autant plus qu’il s’agit en réalité d’une sympathisante FN habitant à une vingtaine de kilomètres de la « jungle » de Calais, soit l’équivalent d’une souris qui vivrait non loin d’un chat… Mais un soir, elle est obligée de ramener un soudanais et découvre la réalité du camp où l’insécurité règne, les vêtements manquent et la nourriture y est bien trop limitée. 

« Mais Marine, t’es forcément intelligente… »

L’intérêt du film (du moins dans sa première partie) repose sur la découverte et l’exploration de ce milieu, souvent filmé à l’aide d’une caméra portée pour l’immersion, mais cette fois-ci de l’intérieur et du point de vue de Béatrice. Tout comme elle, nous découvrons ce que veut dire être bénévole dans cet endroit et tout ce que cela implique. Jusque-là, le film se pare des allures d’un documentaire. Il s’en détache cependant par sa capacité à adapter la réalité à la vie de cette femme atrocement seule, et voulant faire du bien coûte que coûte, quitte à en perdre le contrôle. Lors d’une de ses visites au camp, elle assise à la naissance de bébés chiots devant les migrants émerveillés. Mais la plus émerveillée, c’est elle, car elle y découvre qu’il y a de la vie dans cette « jungle » qu’elle pensait morte…

« Marine, regarde-nous, on est beau… »

Ils sont vivants est un film radicalement différent dans sa seconde partie, même si son ode à la tolérance reste remarquable. Si la première partie du film nous permettait de découvrir, la seconde est un combat incessant entre l’amour et la haine, l’attraction et la répulsion. Les activités bénévoles et amoureuses de Béatrice sont évidemment jugées et critiquées par sa sphère publique et privée (qu’attendre de mieux d’un entourage pro-FN ?).

« Ils sont vivants », s’écrie Béatrice. Mais en hurlant ses mots, il se pourrait bien qu’elle comprenne qu’elle vit enfin elle aussi…

Pravine Barady

CRITIQUE : ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ

 

CRITIQUE : ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ

1 mars 2022

Adapté de la bande dessinée du même nom, le film de François Desagnat nous emmène dans l’univers drôle et absurde du dessinateur Fab Caro également auteur du roman « Le discours ».

Si vous avez aimé ce dernier livre, vous ne serez pas déçu du voyage. Sur un air de Joe Dassin plongez votre petite cuillère dans votre pot de glace préféré et délectez-vous de cette histoire aux apparences banales mais affreusement épique. Zaï Zaï Zaï Zaï, c’est l’histoire d’un homme qui, au moment de payer ses courses à la caisse du supermarché, s’aperçoit que sa carte de fidélité est restée dans son autre pantalon. Dépassé par les événements, il menace la caissière et le vigile avec… un poireau !

Voyez plutôt le point de départ. On vous laisse imaginer la suite…

De là, démarre une chasse à l’homme absurde. La France se mobilise pour traquer cet homme qui est l’un des maillons manquants au monde de la consommation. On y retrouve des personnages haut en couleur, teintés d’humour satirique ; critique des services d’État, de la classe moyenne, de l’adolescence rebelle. Tout le monde y passe, alors pourquoi pas vous ?

On recommande !

Claire Tisseront

CRITIQUE : LA VRAIE FAMILLE

 

CRITIQUE : LA VRAIE FAMILLE

22 février 2022

Anna, son mari et ses enfants vivent heureux. Jusqu’au jour où le père biologique d’un de ses enfants exprime le désir de récupérer la garde de son fils. Car oui, Simon est un enfant placé, et cette nouvelle représente le début de la fin pour eux…

L’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) a mauvaise réputation, il suffit de lire les témoignages relatant l’existence d’innombrables prédateurs ayant profité de leur position de famille d’accueil pour abuser d’enfants. Dans le second long-métrage de Fabien Gorgeart, intitulé La vraie famille, la famille d’accueil est bien plus bienveillante que prévu.

Accueillir pour protéger

Ces dernières années, de nombreux films français se sont intéressés à des thématiques liées à l’enfance. De l’adoption avec Pupille (2018), aux victimes de violences sexuelles avec Les Chatouilles (2018), le cinéma est un vecteur de démocratisation sociétale important. Dans La vraie famille de Fabien Gorgeart, nous découvrons les problématiques associées aux enfants placés dans des familles d’accueil. Moins concret que d’autres films et plus dans une dynamique de fiction, le film dépeint le quotidien d’une de ces familles. L’introduction du film où celle-ci nage littéralement en plein bonheur dans un parc aquatique, s’amuse à jouer à ping-pong ou encore profite d’une soirée festive ne laisse aucun doute sur le fait qu’en apparence, il s’agit d’une famille épanouie tout à fait normale. Mais dès lors qu’il décide d’installer un dialogue, nous sommes plongés dans un quotidien rigide et entouré de règles.

Simon a 6 ans, et il a été placé à ses 18 mois. Pour ceux qui ne connaissent pas le sujet, l’assistant familial est celui qui héberge à son domicile des enfants qui n’ont pas la possibilité d’avoir une présence suffisante (morale, physique et économique) de la part de leurs parents. Dans cette situation, Anna, son assistante familiale, doit veiller à sa protection et à son bien-être comme un parent classique. Derrière ce postulat se cache d’autres zones d’ombres qui sont éclairées par la caméra de Fabien Gorgeart. Quand ses deux enfants veulent faire de l’accrobranche, Simon ne peut les suivre. Pas à cause de son âge, mais parce qu’il lui est interdit de pratiquer des activités potentiellement dangereuses.

Le partage de mouchoirs

Mais La vraie famille peut aussi être vu comme un film sur les bonnes pratiques de la famille d’accueil. Fabien Gorgeart prend le parti pris d’une famille stable, parfaite, nageant dans le bonheur, et d’un père, apte et compréhensif, voulant récupérer son enfant. Cette situation rend le film d’autant plus compliqué pour le spectateur, incapable d’en vouloir à ce père veuf, mais souhaitant tout de même que Simon soit aux côtés de la famille parfaite dépeinte. Même s’il abuse volontairement du fondu au noir, le réalisateur met l’accent sur la complicité entretenue avec cette famille, mais également sur la difficulté des autres enfants à comprendre pourquoi ils doivent quitter celui qu’ils considèrent désormais comme leur frère. 

Le film accorde beaucoup d’importance à Simon, mais c’est bien du point de vue d’Anna, interprétée par Mélanie Thierry, que nous suivons la situation. Comment celle qui l’a élevée comme une mère peut-elle le laisser partir ? Le placement en famille d’accueil ne permet pas de devenir légalement des parents, et c’est la principale différence avec l’adoption qui est soulignée dans le film. Il s’agit de son métier, et un véritable jugement de Salomon s’y opère. L’adaptation progressive à son départ passe par des changements verbaux (ne plus l’appeler « maman »), mais aussi une place plus importante du père biologique (passer les week-end et les vacances ensemble). La vraie famille est un véritable crève-cœur qui fera verser des larmes aux plus braves, et plus les minutes passent, plus nous approchons du moment fatidique des aux-revoirs, plus nous souffrons de la situation aux côtés d’Anna et de sa famille.

La vraie injustice de La vraie famille, c’est la souffrance d’un enfant qui n’a pas choisi d’être emporté dans ce tourbillon émotionnel incontrôlable. Comment prendre assez de recul pour savoir différencier son propre désir et ce qui est bon pour l’enfant ? Ce sont les questions complexes à découvrir dans ce film bouleversant, le mouchoir dans une main et le poing serré de l’autre.

Pravine Barady

CRITIQUE : PRESQUE

 

CRITIQUE : PRESQUE

15 février 2022

Une ode à la vie qui mêle philosophie, humour et aventure pour un premier long-métrage réussi né de la collaboration entre Bernard Campan et Alexandre Jollien.

Presque est une histoire d’amitié entre deux hommes marginalisés par la société. Igor est handicapé et philosophe, Louis est croque-mort et désabusé. Suite à une rencontre fortuite à Lausanne, les deux personnages nous emportent dans un road trip passionnant à bord d’un corbillard. Auprès d’eux, nous sommes confrontés à des thématiques aussi dures que le handicap, le deuil et le regard de la société, mais la grande force du film est qu’il les traite toujours avec authenticité et sans aucun jugement. Ce tandem, simultanément cinéastes et comédiens, réalise un film courageux qui questionne la normalité et le poids du regard d’autrui.

Si cela vous intéresse, nous vous invitons chaleureusement à découvrir ce film émouvant avec nous le lundi 21 février à 20h30. La projection sera suivie d’une discussion avec Brigitte Mahieu, psychologue, pour échanger ensemble sur ces thématiques. De plus, la séance sera présentée en SME, avec des sous-titres pour les personnes sourdes et malentendantes, pour plus d’inclusion.

 

Camille et Marie du Ciné-Club Truffaut (15-25)

CRITIQUE : RED ROCKET

 

CRITIQUE : RED ROCKET

15 février 2022

L’INVITÉ DE LA GAZETTE, EN PARTENARIAT AVEC CINEVERSE

Sean Baker revient quatre ans après son très beau The Florida Project pour présenter Red Rocket, un film mordant et cinglant qui ne manque pas d’humour et d’honnêteté.

Mikey (Simon Rex) est un acteur porno plus que sur le déclin. Après avoir flirté pendant plus d’une quinzaine d’années avec le monde du show sexuel, Mikey est forcé de revenir au Texas, sans le sous et avec un œil au beurre noir. Comment peut-on tourner la page d’une vie de paillettes et de sperme ? Baker semble avoir la réponse : on ne s’en défait jamais totalement.

Ma bite et mon couteau

Mikey vit dans son passé auréolé d’une heure de gloire qu’il ne cesse de mettre en avant. « 20 millions de vues sur Pornhub ! » annonce-t-il, tout fier, à son jeune voisin raté Lonnie (Ethan Darbone) qu’il a convaincu de devenir son chauffeur personnel. Faute de moyens et d’opportunités – l’ex-acteur est retourné vivre dans un taudis texan avec son ex-femme et la mère de cette dernière – Mikey ne peut compter que sur ce qui lui a permis de réussir : sa belle gueule, son bagou et son sabre (son sexe), dont il a tiré son pseudonyme d’acteur porno Mikey Saber. 

Red Rocket axe donc son récit tant sur l’absurdité de son personnage principal que sur son dur retour à la réalité. Comme à son habitude, Sean Baker se permet de flouter la limite entre documentaire et fiction, faisant tout le charme de son cinéma, et le fait que Simon Rex soit réellement un ancien acteur porno ne fait que renforcer cet effet. Outre un récit parfaitement ficelé et ne laissant aucune place à l’ennui, le réalisateur se targue d’une magnifique fresque sociale (aussi présente dans ses précédents films) faisant la part belle à l’Amérique profonde et à ses problématiques économiques. Son ex-femme Lexi (Bree Elrod), avec qui sa carrière porno a commencé, n’a pas eu la même vie : pauvreté, drogues, alcool et prostitution, en voici un joli cocktail made in American way of life. Si Mikey se vante constamment pour ses exploits carriéristes, ce n’est finalement que pour rappeler à tous ces petites gens qu’ils devraient avoir honte de ne pas tenter l’American dream.

Come-back sexuel

Face à son échec et à des activités foireuses comme le deal de drogues, Mikey nourrit un doux espoir : celui de retourner à la cité des Anges pour reprendre sa carrière. Il jette alors son dévolu sur la jeune et jolie Strawberry (Suzanna Son), même pas 18 ans mais qui pourrait sans aucun doute être son ticket de retour. Sous les traits de Mikey s’exprime donc la sexualisation malsaine des adolescentes par une Amérique biberonnée à la pornographie, sauf que le problème est double : Strawberry est elle-même une enfant nourrie à la surabondance d’images à caractère sexuel, faisant de la jeune fille la représentante parfaite d’une sexualité symptomatique de l’exposition précoce à la pornographie.

Récit tragi-comique au possible, Red Rocket trouve un équilibre parfait dans son propos pour y placer autant d’humour que de désespoir. Sean Baker signe ici un film au cynisme plus poussé qu’à son habitude, comme s’il tirait la sonnette d’alarme d’une société malade et déconnectée de ses problématiques. Il y a donc mille et une façons d’aborder la décrépitude d’une planète laissée à son sort.

Terence Scarano-Defaux

BIOGRAPHIE : IDA LUPINO

 

BIOGRAPHIE : IDA LUPINO

8 février 2022

Focus sur la carrière d’une des premières réalisatrices de l’histoire du 7ème art qui aurait fêté ses 104 ans cette année.

Née à Londres en 1918 dans une famille d’origine italienne, Ida Lupino est issue d’une longue lignée de comédiens et de marionnettistes qui remonte jusqu’au XVIIème siècle. Elle fait ses premiers pas devant une caméra britannique dès ses 13 ans mais part rapidement à Hollywood où Henry Hathaway la fait débuter aux côtés de Gary Cooper dans Peter Ibbetson.

Elle a 23 ans quand elle goûte à ses premiers succès sous la direction de Raoul Walsh et avec Humphrey Bogart comme partenaire : Une femme dangereuse et La grande évasion.

Après quelques années, elle commence à s’ennuyer sur les plateaux de tournage et regarde avec envie les cinéastes. Épaulée par son nouveau mari, le producteur et scénariste Collier Young, elle fonde une société de production et se met à l’écriture. Elle devient réalisatrice en 1949 quand Elmer Clifton, le metteur en scène qu’elle avait engagé pour Avant de t’aimer décède brutalement. Elle le remplace et commence alors un nouveau chapitre de sa carrière composé d’œuvres où les femmes occupent une place centrale même si elle se défend d’être féministe.

Elle marque un grand coup en 1950 quand sort Outrage, un film sur le viol et les traumatismes engendrés. Cette même année, elle devient la première femme à intégrer le syndicat des réalisateurs de cinéma. Elle étonne une nouvelle fois en 1953 avec Le voyage de la peur au casting cette fois-ci composé presque exclusivement d’hommes.

Mettant un terme à sa carrière de cinéaste à la fin des années 60, elle se consacre alors à la télévision et apparaîtra rarement sur le grand écran lors de la décennie suivante. Décédée en 1995, à l’âge de 77 ans, elle n’aura réalisé que 7 films en 17 ans mais aura marqué l’histoire du cinéma américain par son audace et sa liberté d’aborder des sujets tabous pour l’époque.

Simon Chevalier

CRITIQUE : OUISTREHAM

 

CRITIQUE : OUISTREHAM

1 février 2022

Emmanuel Carrère réussit l’adaptation du livre de Florence Aubenas grâce à son sens du cinéma du réel et à des interprètes impressionnantes.

Que fait Marianne Winckler en Normandie ? Arrivée récemment et ne connaissant personne, elle cherche du travail et va en trouver dans le milieu de la propreté. Sa plongée dans la précarité va lui faire découvrir le courage et la solidarité de femmes invisibles. Mais que cache-t-elle, et ses bonnes intentions suffiront-elles à excuser son secret ?

Il aura fallu de nombreuses années à Florence Aubenas pour accepter que son œuvre Le quai de Ouistreham soit adaptée au cinéma. Et c’est son confrère écrivain Emmanuel Carrère qui en fait son deuxième long-métrage de fiction en tant que réalisateur. Il signe une œuvre qui respecte le propos initial, à savoir offrir une visibilité à ces travailleuses de l’ombre qui se lèvent chaque matin pour aller faire un travail difficile et ingrat, au vu de leur faible salaire. Incarnés par des actrices non professionnelles, ces personnages font surtout preuve d’une grande solidarité entre elles, solidarité dont bénéficie Marianne. Dans ce rôle, Juliette Binoche apparaît sans fards dans la peau d’une reporter au plus près du réel, comme elle pourrait le faire sur le front d’une guerre. Elle nous démontre à quel point la société française est plus que fracturée pour qu’il faille jouer un rôle afin d’approcher au plus près d’une partie de la population.

Au-delà de son message social, ce film explore également avec force la limite entre le “mensonge utile” et la trahison. On voit le personnage principal s’enfoncer dans une situation de plus en plus inextricable et aboutir à un dénouement abrupt que chaque spectateur jugera selon sa propre sensibilité.

Simon Chevalier

CRITIQUE : TWIST À BAMAKO

 

CRITIQUE : TWIST À BAMAKO

18 janvier 2022

Pour son 22ème film, le cinéaste marseillais prend le chemin de l’Afrique et plus particulièrement du Mali de 1962 en pleine effervescence post-indépendance.

Jeune homme enthousiasmé par le nouveau régime de son pays, Samba se donne corps et âme pour promouvoir le socialisme qui règne depuis maintenant 2 ans dans la toute jeune République du Mali. En cette année 1962, il va devoir concilier ses idéaux et l’apprentissage de l’amour, le tout sur fond de musique yé-yé.

Robert Guédiguian nous propose ici un film très différent du reste de sa filmographie tout en conservant la même philosophie. Il réussit à nous embarquer dans un film d’époque grâce à une reconstitution soignée et nous fait suivre une jeunesse engagée et attachante dans laquelle on perçoit une part d’autobiographie de la part du réalisateur et scénariste. Enfin, les idéaux sont toujours là, dans leur pureté mais aussi dans les désillusions vers lesquelles ils nous amènent.

Si ce nouveau long-métrage ravira les fans du cinéaste engagé qu’est Robert Guédiguian, il plaira aussi à tous les autres spectateurs par l’histoire d’amour sur fond de période historique qui ne manquera pas de leur faire vivre nombre d’émotions.

Simon Chevalier

CRITIQUE : UN HÉROS

 

CRITIQUE : UN HÉROS

4 janvier 2022

Le cinéaste iranien contemporain le plus connu au monde nous livre un nouveau film au scénario implacable.

Si Rahim est en prison, c’est pour une dette qu’il a contracté auprès d’un créancier particulièrement retors, son ex beau-frère. Alors, quand il se retrouve en possession d’un sac perdu contenant des pièces d’or lors d’une permission, que va-t-il en faire ?

S’il a une carrière internationale – il a tourné Le Passé en France avec Bérénice Béjo et Tahar Rahim et Everybody knows en Espagne avec Penelope Cruz et Javier Bardem -, Asghar Farhadi n’est jamais aussi juste que quand il parle de son pays d’origine. Cette fois, il nous emmène dans un Iran où la fierté et la réputation restent des composantes sociétales capitales et doivent cohabiter avec une montée en puissance des réseaux sociaux. À partir du moment où le personnage principal prend une décision concernant le butin retrouvé, il est embarqué dans une mécanique qu’il ne maîtrise plus et qui se déroule selon un scénario brillant. Ce qui est impressionnant, c’est que la lecture de ce film dépendra de chaque spectateur et de la façon dont il perçoit le “héros” : honnête homme ou manipulateur ? À chacun de se faire une opinion…

Suite à sa quatrième sélection au Festival de Cannes en juillet dernier, Asghar Farhadi a remporté le Grand Prix, troisième distinction cannoise qui rejoint son César et ses deux Oscars, entre autres. Un palmarès impressionnant en moins de 20 ans de carrière.

Simon Chevalier

BIOGRAPHIE : STEVEN SPIELBERG

 

BIOGRAPHIE : STEVEN SPIELBERG

21 décembre 2021

Alors qu’il vient d’avoir 75 ans, retour sur le parcours d’un cinéaste mythique à la carrière aussi riche en succès que diversifiée. 

Né le 18 Décembre 1946 à Cincinnati, le petit Steven est le fils d’Arnold Spielberg, un pionnier de l’informatique à qui on doit l’un des premiers ordinateurs. Passionné très tôt par le 7ème art, il réalise ses premières œuvres dès l’âge de 12 ans avec la caméra Super 8 de son père mais ses résultats scolaires étant médiocres, il ne peut intégrer une école de cinéma. Heureusement, “Amblin”, l’un de ses courts-métrages, lui permet de se faire repérer par les studios Universal qui l’engage pour la télévision en 1968. Il s’en souviendra plus de 10 ans plus tard en baptisant sa maison de production du nom de ce film fondateur.

Le succès de son téléfilm “Duel” lui ouvre les portes du grand écran pour lequel il en crée une version longue en 1973. L’année suivante, il sort son premier vrai film de cinéma “Sugarland Express” qui remporte le Prix du Scénario au Festival de Cannes mais est un échec commercial. Sa carrière naissante est menacée et il a beaucoup de mal à réunir les 4 millions de dollars nécessaires à son prochain projet. Le tournage de ce nouveau film est laborieux et le budget doit être plus que doublé. Et, contre toute attente, “Les dents de la mer” devient le film le plus vu au cinéma dans le monde en cette année 1975. Ce triomphe permet au jeune cinéaste de réaliser son rêve : un film sur des “Rencontres du troisième type” entre l’Homme et des extraterrestres. Sorti en 1977, alors que les cinéphiles sont passionnés par la science-fiction depuis “Star Wars”, c’est un nouveau succès.

Après l’échec de “1941”, cet admirateur de James Bond crée son propre héros avec son ami George Lucas. Il s’appellera Indiana Jones et sera à l’origine d’une série de films parmi les plus rentables du 7ème art. Steven Spielberg a alors 35 ans et le monde est à ses pieds quand il présente en clôture du Festival de Cannes 1982 “E.T”. S’ensuit une période moins “divertissante” avec les films historiques “La Couleur Pourpre” et “L’empire du soleil” et un drame sur le deuil “Always”.

Il bat son propre record au box-office avec “Jurassic Park” en 1993 avant de remporter son premier Oscar du Meilleur Réalisateur pour le bouleversant “La liste de Schindler”. Son année 1997 est très contrastée : “Le monde perdu : Jurassic Park” cartonne mais “Amistad” bouscule les Américains par sa vision de l’esclavage et ne trouve pas son public. Il terminera les années 1990 avec un deuxième Oscar du Meilleur Réalisateur pour “Il faut sauver le soldat Ryan”.

Retour à la science-fiction en 2001 avec “A.I Intelligence Artificielle” dans lequel il fait tourner Haley Joel Osment qu’il aurait bien vu dans la peau d’Harry Potter avant de se voir opposer un refus de JK Rowling, la créatrice du petit sorcier. Il continue dans la même veine en signant “Minority Report” avec Tom Cruise avant de retrouver Tom Hanks pour “Arrête-moi si tu peux” et “Le terminal” puis de nouveau Tom Cruise dans “La guerre des mondes”. Il est ensuite rattrapé par sa passion de l’histoire et traite les suites de la prise d’otages des JO de 1972 dans “Munich” avant de prendre une pause bien méritée.

En 2008, c’est le retour d’Indiana Jones pour une quatrième aventure que certains considèrent comme celle de trop. Alors, celui qui a toujours capitalisé sur les progrès techniques de son époque se lance dans la 3D : “Les aventures de Tintin : le secret de la licorne” sort en 2011 et éclipse la même année “Cheval de guerre” qui cumule pourtant 6 nominations aux Oscars. 

Le 30ème long-métrage de Steven Spielberg est consacré au président “Lincoln” et à son combat contre l’esclavage. Président, le cinéaste le devient pendant 15 jours au Festival de Cannes 2013 avant un nouveau film historique “Le pont des espions” et un autre pour le jeune public “Le Bon Gros Géant”.

Après une année 2018 riche de deux films, “Pentagon Papers” et “Ready Player One” dont le dernier cumule 2 millions de spectateurs en France, le réalisateur le plus iconique de la fin du 20ème siècle revient avec une adaptation de la comédie musicale culte “West Side Story”. Un nouveau défi pour celui dont on connaît tous les films, d’une diversité impressionnante, et qui tourne actuellement son propre biopic.

Simon Chevalier

ANNIVERSAIRE : LA SAGA HARRY POTTER A 20 ANS !

 

ANNIVERSAIRE : LA SAGA HARRY POTTER A 20 ANS !

14 décembre 2021

En cette fin d’année 2001, débarque un petit sorcier qui va affoler les salles obscures après son succès en librairie. Mais comment ce passage des pages à l’écran s’est-il effectué ?

En 1997, il n’est pas évident pour le studio Warner de voir le potentiel d’adaptation d’un roman jeunesse qui vient de sortir au Royaume-Uni et qui raconte l’apprentissage d’un jeune garçon dans une école de sorciers. Mais le succès de l’œuvre est fulgurant et, bien avant que les petits Américains ne s’arrachent le livre, le film est déjà sur les rails sous la surveillance étroite de l’auteur J.K Rowling.

Le premier réalisateur intéressé sera Steven Spielberg, qui veut en faire un film d’animation, mais le studio s’y oppose. Puis, il tente d’imposer Haley Joel Osment, le petit garçon qui vient de faire un triomphe dans Sixième Sens de M. Night Shyamalan. Mais J.K Rowling exigeant que son héros soit interprété par un acteur britannique, le cinéaste quitte le projet et finira par réaliser AI Intelligence Artificielle avec le jeune comédien. C’est finalement Chris Columbus – réalisateur de Maman, j’ai raté l’avion et Mrs Doubtfire – qui mettra en scène les premiers films, car il se montre fidèle aux romans et a l’habitude de travailler avec des enfants.

De gigantesques castings sont organisés et Emma Watson et Rupert Grint passent du théâtre amateur aux plateaux de cinéma. C’est plus difficile pour Daniel Radcliffe qui est remarqué dans le téléfilm David Copperfield mais dont les parents s’opposent au fait que leur fils incarne Harry Potter. Ce n’est que quelques mois avant le début du tournage qu’ils cèdent et que le trio est constitué. Ils sont accompagnés par quantité de stars du cinéma anglais comme Maggie Smith, Alan Rickman ou encore Julie Walters. On peut dire que tout le gotha des comédiens anglais fera une apparition plus ou moins importante sur l’ensemble de la saga.

Le tournage commence le 29 septembre 2000 et se termine le 23 mars 2001. Il a lieu principalement dans une usine d’avions désertée qui fera office de studio mais également au château d’Alnwick et à la cathédrale de Gloucester. Un peu plus de huit mois plus tard, Harry Potter à l’école des sorciers sort en France le 5 décembre 2001. C’est un succès considérable et, en moins d’un mois, il devient le film le plus vu de l’année avec près de 9,5 millions d’entrées. Il obtient trois nominations aux Oscars, notamment pour sa musique et ses costumes.

Et voilà comment ont débuté les aventures cinématographiques d’un certain Harry Potter qui a tenu en haleine plusieurs générations, sur une décennie entière. 10 ans résumés en un week-end au Cinéma François Truffaut pour bien commencer les vacances de Noël !

Simon Chevalier

BIOGRAPHIE : THIERRY DE PERETTI

 

BIOGRAPHIE : THIERRY DE PERETTI

23 novembre 2021

Acteur et réalisateur, Thierry de Peretti sera présent ce dimanche au Cinéma François Truffaut de Chilly-Mazarin pour nous présenter en avant-première son troisième long-métrage Enquête sur un scandale d’État.

Né à Ajaccio, Thierry de Peretti a appris son métier dans la Classe Libre du Cours Florent qui regroupe les meilleurs élèves de la célèbre école de théâtre. Il y côtoie Jean-Paul Rouve, Jeanne Balibar ou encore Valérie Bonneton. Prolifique sur les planches, il apparaît dans peu de films mais sous la direction des réalisateurs prestigieux Patrice Chéreau, Bertrand Bonello et Olivier Assayas.

Il devient cinéaste en 2005 avec un film court puis passe au moyen-métrage en 2011. Son premier long Les Apaches est un petit film – il n’a coûté que 700 000 Euros – dont l’action se situe en Corse et est interprété par des acteurs non-professionnels mais il séduit par sa force narrative et est sélectionné à la prestigieuse Quinzaine des Réalisateurs lors du Festival de Cannes 2013. 4 ans plus tard, Thierry de Peretti est de retour au Festival mais, cette fois, à la Semaine de la Critique avec Une vie violente qui traite du drame de la radicalité des mouvements indépendantistes corses. Le réalisateur reste donc fidèle à son île de naissance et tient à en expliquer ses sombres aspects.

En février prochain, sortira son troisième long-métrage dans lequel apparaîtra un casting impressionnant : Vincent Lindon, Pio Marmaï, Roschdy Zem ou encore Valeria Bruni-Tedeschi sont à l’affiche de Enquête sur un scandale d’État, un thriller efficace que vous pourrez découvrir dès ce dimanche lors de la clôture des Rencontres Cinessonne au Cinéma François Truffaut avant un échange avec le plus corse de nos cinéastes contemporains.

Simon Chevalier

CRITIQUE : COMPARTIMENT N°6

 

CRITIQUE : COMPARTIMENT N°6

9 novembre 2021

L’histoire d’un voyage aux confins du pôle arctique et d’un amour inattendu qui a reçu le Grand Prix au dernier Festival de Cannes.

Étudiante en archéologie, Laura quitte Moscou et sa petite amie Irina pour aller découvrir les pétroglyphes de Mourmansk. Pour cela, elle va franchir 2000 kilomètres à bord d’un train rudimentaire et en compagnie de Lioha, un ouvrier des plus rustres.

Ce deuxième long-métrage du réalisateur finlandais Juho Kuosmanen nous éblouit par ses images de paysages enneigés et par son atmosphère particulière. Petit à petit, le spectateur s’attache à Laura, jeune fille partie dans une aventure passionnante mais aussi risquée quand elle se retrouve face à la brutalité de son compagnon de voyage. Néanmoins, au-delà des apparences et de la première impression, elle apprend à comprendre cet homme et à en faire la plus grande découverte de son parcours – sensation renforcée par le peu de place accordée aux fameux pétroglyphes à la fin du parcours.

Compartiment N°6 est un nouveau film sur la rencontre entre deux personnes que tout sépare. Mais il reste unique par son réalisme du voyage Moscou-Mourmansk et par l’atmosphère qui en découle. Enfin, on appréciera, en tant que français, l’utilisation du tube à l’efficacité nostalgique Voyage, voyage.

Simon Chevalier

BIOGRAPHIE : VALERIA BRUNI-TEDESCHI

 

BIOGRAPHIE : VALERIA BRUNI-TEDESCHI

2 NOVEMBRE 2021

Actrice et réalisatrice reconnue aussi bien en France qu’en Italie, la sœur de Carla Bruni a su construire une carrière des plus complètes. Avant de la découvrir dans le film percutant de Catherine Corsini « La Fracture », redécouvrez les moments forts de sa vie professionnelle.

Née en 1964 à Turin et issue d’une famille bourgeoise de musiciens – son père était compositeur d’opéra et sa mère pianiste concertiste – la petite Valeria émigre en France avec sa famille alors qu’elle n’a que 9 ans par peur des Brigades Rouges. Elle prend des cours de théâtre à Nanterre où elle croise Agnès Jaoui et Vincent Perez. Elle a également Patrice Chéreau comme professeur.

Professeur qui lui fait faire ses débuts au cinéma dans « Hôtel de France » avec ses camarades étudiants en 1987. 7 ans plus tard, elle reçoit le César du Meilleur Espoir Féminin pour « Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel » de Laurence Ferreira Barbosa. En 1996, première récompense italienne avec le premier David di Donatello de la Meilleure Actrice de sa carrière : elle en cumule à ce jour 4 dont un pour « Mots d’amour » qu’elle a coécrit avec Mimmo Calopresti.

Cette expérience scénaristique lui donne de nouvelles envies et, en 2002, elle écrit et réalise « Il est plus facile pour un chameau… » aux forts accents autobiographiques et qui lui vaut le Prix Louis Delluc du Premier Film. Tout en continuant à enchaîner les rôles, elle signe « Actrices » en 2007 – Prix spécial de la sélection « Un Certain Regard » à Cannes – puis « Un château en Italie » en 2013 –  en compétition au Festival de Cannes – et enfin « Les Estivants » en 2018 – présenté au Festival de Venise.

De nouveau présente cette année au Festival de Cannes, elle y présentait « La Fracture » de Catherine Corsini, un film coup de poing entre Gilets Jaunes et crise hospitalière. Un film à retrouver lors des 15 prochains jours au Cinéma François Truffaut.

Simon Chevalier

INTERVIEW : IAN GUICHARD, réalisateur de Étienne

 

INTERVIEW : IAN GUICHARD, réalisateur de Étienne

19 OCTOBRE 2021

Partez à la découverte de celui qui présentera son court-métrage « Etienne » en avant-programme de La Nuit de l’Horreur.

Comment es-tu devenu réalisateur ?

J’ai passé un Bac S au lycée Jean-Baptiste Corot avec option Cinéma. C’est ainsi qu’a grandi ma culture cinématographique notamment avec le programme de Terminale, centré sur « l’illusion au cinéma ». J’ai pu découvrir des œuvres comme « Mulholland Drive » de David Lynch, « Le Prestige » de Christopher Nolan ou encore « Shutter Island » de Martin Scorsese. J’ai enchaîné avec un BTS Audiovisuel option image puis une année supplémentaire en réalisation car je me suis rendu compte que dans tous les métiers du cinéma, c’était le cadrage qui me plaisait le plus. Ce samedi, c’est mon tout premier film que vous allez pouvoir découvrir : « Etienne ».

Justement, que peux-tu nous dire de cette œuvre ?

L’idée de départ était de faire des sketchs différents autour d’un même personnage. Puis, pour dramatiser l’histoire, nous avons imaginé la situation de cet homme qui n’accepte pas que sa copine soit partie et qui revit tout en boucle. Étant attiré par l’absurde, j’aimais bien l’idée de transposer le fait qu’il n’arrive pas à passer à autre chose. Alors, ce n’est pas un film linéaire, on voyage dans l’esprit d’Etienne mais que ce soit la musique de Charlotte Porro, l’image ou encore le montage, tout retranscrit cette histoire que j’ai écrite il y a deux ans et demi. Et c’est surtout le résultat du travail de toute une équipe. Ce que j’aime dans le cinéma, c’est le fait d’être entouré par plein de gens qui sont des atouts pour un réalisateur.

Tu as tourné des scènes au cinéma François Truffaut en février dernier. Qu’est-ce que cela représentait pour toi ?

Dans le scénario de base, il y avait ces plans où le héros était spectateur du film de sa vie et c’était logique pour moi de les tourner dans ce lieu qui a vu naître ma cinéphilie et mon envie de faire des films quand j’étais au lycée. Je suis aussi ravi de pouvoir partager « Etienne » avec les spectateurs de La Nuit de l’Horreur car je suis friand de débats. Je sais que mon film a plein de défauts, comme toutes les premières œuvres mais j’espère bien me nourrir des retours qu’on pourra me faire samedi et échanger aussi sur la technique avec les étudiants présents et éventuels successeurs.

Simon Chevalier

BIOGRAPHIE : PHILIPPE LE GUAY

 

BIOGRAPHIE :  PHILIPPE LE GUAY

19 OCTOBRE 2021

À 65 ans, ce réalisateur et scénariste s’est surtout fait un nom lors de la dernière décennie avec ses comédies sociétales.

Élève de l’IDHEC (Institut Des Hautes Études Cinématographiques) dans les années 80, Philippe Le Guay y côtoie Arnaud Desplechin et Pascale Ferran, entre autres. Il commence sa carrière comme scénariste, notamment pour Nicole Garcia et réalise son premier film en 1989, « Les deux Fragonard ».

Plutôt porté sur le drame dans un premier temps, c’est avec des comédies qu’il rencontre le succès à partir de 2003 : « Le coût de la vie » et son casting 4 étoiles – Vincent Lindon, Laurent Deutsch, Claude Rich et Fabrice Luchini -, ce dernier devenant son acteur fétiche puisqu’il incarnera également les personnages principaux de « Les femmes du 6ème étage » en 2011 et « Alceste à bicyclette ». Pour cette dernière œuvre, le comédien et son cinéaste iront ensemble à la cérémonie des Césars 2014 où ils sont nommés tous les deux, Philippe Le Guay en tant que scénariste.

Offrant son dernier rôle à l’immense Jean Rochefort dans « Floride » en 2015, il retrouve aujourd’hui pour le deuxième film de suite François Cluzet – après « Normandie Nue » en 2018. Dans « L’homme de la cave », il lui a concocté un personnage de complotiste particulièrement intéressant à jouer pour l’acteur qui est brillamment accompagné par Jérémie Rénier et Bérénice Bejo.

S’il signe son premier thriller, Philippe Le Guay reste fidèle à une de ses particularités : refaire travailler un acteur. Rares sont en effet les interprètes qui sont présents dans un seul de ses films. Une tonalité personnelle qui rend le travail de ce réalisateur particulièrement authentique.

Simon Chevalier

CRITIQUE : LES INTRANQUILLES

 

CRITIQUE : LES INTRANQUILLES

4 OCTOBRE 2021

En juillet dernier, Joachim Lafosse présentait Les Intranquilles, en compétition au Festival de Cannes, avec ses comédiens Damien Bonnard, Leïla Bekhti et Gabriel Merz Chammah. Ce dernier n’est autre que le petit-fils d’Isabelle Hupert, avec qui le réalisateur avait collaboré sur le long métrage Nue propriété, en 2006. Un point commun lie ses deux films: la complexité des rapports familiaux.

Le titre Les Intranquilles prend tout son sens dès la première scène. Nous plongeons dans le quotidien d’une famille, dont le père souffre d’une pathologie récemment diagnostiquée. L’évolution des crises d’un père et compagnon aimé, le désarroi d’une femme impuissante face à la maladie, soulève la question : « jusqu’où peut-on aller pour aider un être cher ?

Malgré un sujet ponctué d’inquiétudes, le film reste paradoxalement serein. La maladie n’est pas mise en spectacle, on la découvre avec justesse et authenticité.

Joachim Lafosse nous livre une œuvre très autobiographique. Il s’inspire de sa propre enfance, entre un père maniaco-dépressif et une mère amoureuse, qui peinait à rester malgré tout…

Ce film est délicat et nécessaire, pour comprendre le combat sans répit des intranquilles.

Sandrine Monteiro

CRITIQUE : UN TRIOMPHE

 

CRITIQUE : UN TRIOMPHE

21 SEPTEMBRE 2021

Pour son second long-métrage, Emmanuel Courcol signe une comédie basée sur une histoire vraie.

Comédien sur la touche, Etienne accepte d’animer un atelier théâtral dans une prison. Après des débuts tendus, il a l’idée de faire jouer aux détenus une pièce de Samuel Beckett : En attendant Godot. Mais réussira-t-il à faire de ces hommes en marge des acteurs à part entière ?

La force de ce film tient dans son scénario incroyable mais vrai : Dans les années 80, Jan Jönson parvient à convaincre l’administration pénitentiaire suédoise de faire sortir des détenus afin qu’ils assurent des représentations de la pièce qu’ils répètent depuis des mois. L’expérience tournera court mais le professeur de théâtre en tirera un spectacle qui connaîtra un grand succès. Kad Merad porte ce personnage avec passion notamment lors d’un monologue final dans lequel transpire l’amour du théâtre et de sa capacité à rendre meilleur.

Si “Un Triomphe” fait partie des films sélectionnés au Festival de Cannes 2020 qui n’a pas eu lieu, il s’est rattrapé à Angoulême dont il est reparti avec les prix du public et du meilleur acteur partagé entre Sofian Khammes et Pierre Lottin, interprètes particulièrement convaincants de détenus-acteurs.

Simon Chevalier

INTERVIEW : SUZANNE DE LACOTTE

 

INTERVIEW : SUZANNE DE LACOTTE

14 SEPTEMBRE 2021

Apprenez-en plus sur celle qui anime depuis près de 2 ans et une fois par mois “l’Oeil dans le Rétro”.

Quel est le parcours qui t’a menée jusqu’au Cinéma François Truffaut ?

J’ai commencé par des études de philosophie à Paris I et j’ai alors découvert les textes de Gilles Deleuze sur le cinéma. J’ai donc poursuivi mes études à cheval entre ces deux disciplines. Alors que je préparais ma thèse, j’enseignais à des étudiants en 7ème art. En parallèle, j’ai travaillé pour le festival “Premiers Plans” d’Angers où j’ai rencontré Cécile Nhoybouakong, aujourd’hui responsable Jeune Public au Cinéma François Truffaut.

Avec elle, j’ai fondé il y a 10 ans “Les Sœurs Lumière”, une association proposant à différentes structures – festivals, associations, salles – des programmes d’éducation à l’image. Cela me permettait de rester dans la transmission sans l’académisme du corps professoral et ça répondait à un besoin puisqu’il y a seulement quelques années, c’était un domaine en plein développement.

Je suis aujourd’hui responsable des programmes scolaires à la Cinémathèque du Documentaire à la Bpi – Bibliothèque publique d’information – au sein du Centre Pompidou. La Bpi organise également le Festival “Cinéma du Réel” pour lequel je m’occupe de la médiation et de l’action culturelle.

C’est dans le même principe d’éducation à l’image que tu animes une fois par mois une séance de “L’Oeil dans le Rétro” ?

Exactement ! Je trouve ça très agréable d’être dans la transmission dans un cadre convivial. J’anime également un ciné-club au cinéma “Le Bijou” de Noisy-le-Grand depuis 8 ans et je me rends compte à quel point ce rendez-vous patrimonial peut réellement drainer, avec les années, des spectateurs fidèles.

Quelle est la séance qui t’a le plus marqué durant ces deux années ?

La dernière autour de “La mort en direct” de Bertrand Tavernier. Il y avait peu de spectateurs mais ce film est tellement fort et riche que le débat a été assez loin. Cette œuvre visionnaire sur le voyeurisme et le sensationnalisme de la télé d’aujourd’hui a été une vraie découverte pour les personnes présentes.

Pour finir, que peux-tu nous dire des futurs rendez-vous que tu animeras le dimanche à 18h ?

Dimanche prochain, le 19 Septembre, nous parlerons de l’Italie des années 50 et de l’antagonisme entre les convictions et le pragmatisme autour du film de Dino Risi “Une vie difficile” avec Alberto Sordi, le héros du cycle de septembre. Et en octobre, afin de célébrer Paul Verhoeven, ce sera une référence du film de science-fiction qui occupe une vraie place dans l’histoire du cinéma et qui sera projeté le 17 octobre : “Total Recall”.

Simon Chevalier

BIOGRAPHIE : COLIN FIRTH

 

BIOGRAPHIE : COLIN FIRTH

7 SEPTEMBRE 2021

À 60 ans, l’acteur britannique mène une carrière éclectique entre comédies populaires et drames récompensés.

Les premiers pas sur scène du petit Colin Firth se font lors d’un spectacle scolaire. Après des études de théâtre classique au Drama Centre de Londres, il obtient son sésame pour le grand écran dans l’adaptation d’une pièce qu’il a d’abord jouée sur les planches.

Rôle-titre du « Valmont » de Milos Forman en 1989, sa prestation est remarquée même si le film est un échec. Il devra attendre 1996 pour figurer au casting d’un film à succès : « Le patient anglais » d’Anthony Minghella suivi 2 ans plus tard par « Shakespeare in love » de John Madden, 2 longs-métrages qui collectionnent les Oscars et en offrent à ses partenaires féminines.

Changement de registre à l’aube du 3ème millénaire avec « Le journal de Bridget Jones » de Sharon Maguire où son flegme britannique amuse la planète cinéma et lui ouvre les portes de la comédie. Il enchaîne « Love Actually » en 2003, « Nanny McPhee » en 2005 et « Mamma Mia » en 2008.

Il ne tourne pourtant pas le dos aux films plus denses et reçoit le Prix d’Interprétation du Festival de Venise ainsi que sa première nomination aux Oscars en 2009 pour « A Single Man » de Tom Ford. Enfin, la consécration arrivera définitivement l’année suivante avec son interprétation du roi George VI d’Angleterre dans « Le discours d’un roi » de Tom Hooper qui lui vaut 22 récompenses dont l’Oscar du Meilleur Acteur.

Ces 10 dernières années, il a incarné l’un des héros d’une nouvelle franchise : « Kingsman » tout en reprenant ses rôles dans les suites de « Bridget Jones » et « Mamma Mia ». Aujourd’hui, il est à l’affiche de « Supernova » d’Harry Macqueen et forme un couple poignant avec Stanley Tucci. Une nouvelle interprétation impressionnante dans cette carrière déjà si riche.

Simon Chevalier

CRITIQUE : TITANE de Julia Ducournau

 

CRITIQUE : TITANE de Julia Ducournau

31 AOUT 2021

La Palme d’Or 2021 est un vrai film à sensations dont on ressort sonné mais ravi !

Alexia et Vincent. Deux êtres cabossés par la vie dans tous les sens du terme. Leur rencontre serait-elle le déclencheur de leur renaissance ?

Difficile d’en dire beaucoup sur le nouveau film de Julia Ducournau sans gâcher le plaisir de la découverte tant « Titane » nous surprend scène après scène. Le spectateur prend un vrai plaisir de cinéphile à se laisser guider le long d’une histoire étrange aux côtés d’êtres hors normes pour lesquels il peut avoir du mal à ressentir de l’empathie. Mais la cinéaste de « Grave » sait où elle va et une certaine jubilation se met en place au fur et à mesure que le puzzle se forme.

Certes, les scènes chocs sont présentes et il peut arriver que l’on détourne les yeux mais elles ont l’avantage de nous faire ressentir toute la douleur et la détresse des personnages au-delà de l’écran. Et ce, au service de cette belle histoire de rencontre aussi improbable que salvatrice.

Si l’obtention de la Palme d’Or au dernier Festival de Cannes peut prêter à débat, « Titane » reste une œuvre puissante à découvrir au-delà de tout ce qu’on peut en dire et Julia Ducournau, une réalisatrice précieuse dans le cinéma français par son originalité sans tabous.

Simon Chevalier

CRITIQUE : FAST & FURIOUS 9

 

CRITIQUE : FAST & FURIOUS 9

3 AOUT 2021

Fast and furious 9, tout est dans le titre.

Nous retrouvons Dom et Letty, vivant paisiblement à la campagne, avec le petit Brian. Le destin les rattrape avec un nouvel adversaire de taille, Jakob, le frère banni de Dom et Mia Torreto… 

Ce film est absolument à découvrir sur grand écran, pour les amateurs de sensations fortes.

Les cascades y sont de plus en plus impressionnantes, sur terre, dans les airs et même… dans l’espace !

Pour les fans de catch, on retrouve le grand John Cena. Le catcheur « gentil » de la WWE, avec sa casquette et son légendaire : « you can’t see me », interprète cette fois un frère dur et délaissé.

On ne voit pas les 2h22 passer. Si vous avez envie de vous vider la tête en profitant d’un bon moment, courez-y. (Et petit conseil, je vous invite à rester jusqu’à la fin du générique, quelques nouveaux rebondissements s’y profilent pour Fast and Furious 10… Ça ne s’arrête plus !) à suivre… 

Sandrine Monteiro

BIOGRAPHIE : JACQUES PERRIN

 

BIOGRAPHIE : JACQUES PERRIN

27 JUILLET 2021

Alors qu’il vient de fêter ses 80 ans et que vous pouvez le retrouver cette semaine dans le mythique “Cinema Paradiso”, retour sur l’éclectique carrière de ce touche-à-tout.

Fils d’un technicien de théâtre et d’une comédienne, le petit Jacques Simonet – il prendra ensuite le nom de sa mère – fait ses premiers pas au cinéma à 5 ans aux côtés d’Yves Montand et sous la direction de Marcel Carné. Près de 15 ans plus tard, il obtient un premier rôle dans “La fille à la valise” de Valerio Zurlini avec une autre débutante, Claudia Cardinale. Tout au long de sa carrière d’acteur, il alternera les projets français et italiens.

Il marque les esprits en “jeune premier” dans les comédies musicales de Jacques Demy “Les demoiselles de Rochefort” et “Peau d’âne” et devient l’interprète fétiche du cinéaste Pierre Schoendoerffer. Mais il ne se contente pas de cette carrière et crée sa société de production dès 1968, notamment pour monter “Z” de Costa-Gavras dont le sujet politique avait effrayé nombre de financiers. Il devient alors un producteur-acteur fidèle qui joue dans les films qu’il produit.

Dans les années 90, il s’intéresse au genre documentaire, obtient le César du meilleur producteur en 1997 pour “Microcosmos” et en réalise même sur le thème de la nature principalement.

Il est étonnant de voir que de “Cinéma Paradiso” au “Pacte des Loups” en passant par “Les Choristes”, énorme succès du cinéma français réalisé par son neveu Christophe Barratier, Jacques Perrin est souvent utilisé pour incarner les âges adultes, voire vieux, de personnages qu’on suit plus jeunes incarnés par d’autres acteurs. Comme s’il était la projection idéale de nos rêves d’enfants, sensation renforcée par la dimension écologique des films qu’il réalise et produit ces dernières années.

Simon Chevalier

CRITIQUE : ANNETTE de Leos Carax

 

CRITIQUE : ANNETTE de Leos Carax

20 JUILLET 2021

Annette, une comédie musicale qui vire à l’opéra tragique…

​Une histoire commence entre deux artistes : Harry, comédien de stand-up, et Ann, chanteuse lyrique. De leur amour naît Annette…

Cette œuvre spéciale, techniquement réussie, ne laisse personne indifférent et vient tout juste de remporter le prix de la meilleure mise en scène au 74ème Festival de Cannes.

La performance d’Adam Driver porte cette histoire sombre et la musique des Sparks colle parfaitement à l’univers du réalisateur, Leos Carax (Les Amants du Pont-Neuf, Holly Motors).

Notons l’originalité du choix dans l’utilisation d’une marionnette pour incarner le personnage d’Annette. Celle-ci a été créée par une équipe de Charleville-Mézières, où se tient tous les deux ans, en septembre, le magnifique Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, que je vous conseille au passage cette année.

Pour lui donner vie, quatre marionnettistes ardennais de la compagnie « La Pendue » ont participé au tournage : cachés dans le décor, vêtus de noir dans l’ombre ou sur fond vert, manipulant Annette suspendue par des fils, ils ont ensuite été effacés par effets spéciaux. Marion Cotillard, Adam Driver et Simon Helberg ont également appris l’art de la manipulation pour les scènes en contact avec la le personnage.

Nous découvrons donc à l’écran, une Annette artisanale et non une image de synthèse, accompagnée d’acteurs talentueux.

C’est un travail technique magnifique, le prix de la mise en scène à Cannes est largement mérité.

À découvrir !

Sandrine Monteiro